Le 9e bataillon d'un régiment. Le forum reçoit régulièrement des questions à son propos. La lecture des JMO de ces unités permet d'y voir un peu plus clair, même si ces discussions ont déjà fait le tour de la question.
Dernière discussion en date : pages1418/forum-pages-histoire/Generali ... 9160_1.htm
Discussion de loin la plus complète et que les éléments ci-dessous ne feront que confirmer, de manière bien plus indigeste ! : pages1418/forum-pages-histoire/bataillo ... 7818_1.htm
Le JMO peut permettre de mieux appréhender son organisation mais aussi son fonctionnement.
Pour ce faire, j'ai choisi le JMO du 9e bataillon du 46e RI. Incomplet chronologiquement (il s'arrête en octobre 1915), la période couverte est toutefois bien détaillée, plus en tout cas que la majorité des JMO de 9e bataillon feuilleté.
Il ne sera nulle part évoqué l'instruction des chasseurs, les JMO étant muets à ce sujet. Par contre, je ne peux que vous inviter à lire la correspondance du chasseur mis en ligne par Jean Claude Poncet : http://chamois.canalblog.com/archives/c ... p40-0.html
I
Grâce aux JMO, il st possible sans apport extérieur de comprendre le fonctionnement des renforts envoyés au front. Cette organisation avec les 9e bataillons est mise en place en avril 1915 avant d'être modifié en décembre 1915.
¤ L'organisation d'un 9e bataillon en avril 1915 :
Pour comprendre cette organisation, je laisse la parole au rédacteur du JMO. Tout est dit, donc pas de paraphrase inutile.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
Théoriquement, il existe donc au moins un 9e bataillon par région militaire et non un bataillon par régiment. Ainsi, comme nous allons le voir, le 9e bataillon du 46e RI ne reçoit ses renforts que de la 5e région militaire.Par ordre du Ministre, il doit être créé dans chaque région, sous le titre de Dépôt de passage, un bataillon.
L'instruction des hommes qui le compose devra être perfectionnée en vue des opérations futures. Le Bataillon devra être rapproché du front.
Le Général commandant la 5ème Région prescrit la constitution suivante de ce Bataillon. Le 46e fournira deux compagnies, le 89e une compagnie, le 168e une compagnie. Les compagnies à l'effectif de guerre prescrit sont constituées dans chacun des dépôts.
Concentration du Bataillon :
Les compagnies du 89e et du 168e quittent Sens par train spécial le 24 avril 1915 à 7h14 du matin ; elles arrivent le même jour à 10h30.
Les compagnies du 46e Régiment d'infanterie quittent Fontainebleau le 24 avril vers 7 heures du matin et arrivent le même jour, vers 9 heures à Bourron.
Composition du bataillon :
Un chef de Bataillon
Un médecin aide major.
Un sergent secrétaire
Un secrétaire
Un Cycliste
Un Boucher
1ère compagnie [numérotée 33]
1 Sous-lieutenant
1 sergent major
1 sergent fourrier
8 sergents
1 caporal fourrier
17 caporaux
224 soldats
2e Compagnie du Bataillon [numérotée 34] (...)
3e Compagnie du Bataillon [numérotée 35] (...)
4e Compagnie du Bataillon [numérotée 36] (...)
25 avril
Le Bataillon est constitué à la date du 25 avril. Un procès verbal de création est soumis à la signature du Sous-Intendant.
Le Bataillon portera le n° 9. Les compagnies seront 33, 34, 35 et 36 correspondant aux 1ere, 2e, 3e et 4e anciennes.
Le bataillon est rattaché au 46e Régiment d'infanterie.
(...)
5 mai :
Par note de service n° 7598 de la Division, le bataillon de dépôt du 46e Régiment d'infanterie sera rattaché au point de vue de l'administration, de l'instruction et de la discipline au 246e Régiment.
De même, le 9e bataillon ne sera pas obligatoirement affecté à des unités appartenant à sa région militaire.
¤ Le fonctionnement du 9e bataillon en avril 1915 :
Avant d'en faire une petite synthèse, je vous propose quelques notes extraites du JMO qui illustrent bien le fonctionnement de l'unité.
L'organisation des arrivées et des départs semble bien compliquée à comprendre... à première vue. Les numéros de régiments sont multiples. Mais un relevé complet permet d'en comprendre le fonctionnement théorique.22 mai 1915 :
Arrivée d'un renfort du 289 : 3 officiers, 4 sous-officiers et 94 soldats.
Arrivée d'un renfort du 204 : 1 officier, 3 sous-officiers, 3 caporaux, 3 élèves caporaux, 64 soldats (89 active, 5 territoriaux)
24 mai :
Départ d'un renfort pour le 282e : 4 sergents, 4 caporaux, 200 hommes (50 par compagnies du 9e bataillon).
Départ d'un renfort pour le 204e : 2 sergents, 2 caporaux, 100 hommes (25 par compagnies du 9e bataillon).
Arrivée d'un renfort du 82e RI : 4 aspirants, 7 sergents, 1 caporal fourrier, 20 caporaux, 358 soldats (152 active, 216 territoriaux), 22 spécialistes.
25 mai :
départ de 3 officiers pour le dépôt de Montargis.
départ d'un renfort pour le 289e : 1 officier, 2 sergents, 2 caporaux, 100 soldats.
départ des 22 spécialistes pour le 282e.
26 mai :
Arrivée d'un renfort du 4e RI : 1 officier, 2 sergents, 4 caporaux, 43 hommes.
(...)
Arrivée de renforts de Montargis, 82e : 2 aspirants, 8 sergents, 21 caporaux, 368 hommes (179 active et réserve, 189 territoriaux).
30 mai :
Arrivée d'un renfort du 46e : 2 officiers, 11 sergents, 14 caporaux, 283 hommes (135 active et réserve, 148 territoriaux).
5 juin :
Arrivée d'un renfort du 31e : 3 sous-officiers, 3 caporaux et 243 territoriaux.
6 juin :
Départ d'un renfort pour le 282e : 9 sergents et 450 hommes (245 active et réserve, 205 territoriaux), 10 caporaux, 1 caporal mitrailleur, 12 mitrailleurs, 1 caporal téléphoniste.
départ d'un renfort pour le 289e : 4 sergents, 4 caporaux, 150 soldats (80 active et réserve, 70 territoriaux).
Arrivée d'un renfort du 46e : 5 sergents, 10 caporaux, 100 soldats (67 territoriaux, 33 active et réserve), 9 soldats téléphonistes (avec un sergent et un caporal).
7 juin :
Arrivée d'un renfort du 168e : 4 sergents, 8 caporaux, 122 soldats (pas de territoriaux).
Arrivée d'un renfort du 76e : 2 aspirants, 4 sergents, 6 caporaux, 122 soldats (70 active et réserve, 52 territoriaux).
Départ d'un renfort pour le 276e : 2 aspirants, 5 sergents, 6 caporaux, 251 hommes (135 active et réserve, 115 territoriaux).
Départ d'un renfort pour le 246e : 2 sergents, 2 caporaux, 100 soldats (50 active et réserve, 50 territoriaux) dont 13 spécialistes.
Les dépôts envoient des renforts au 9e bataillon qui les centralise pour la division : jeunes appelés venant de finir leurs classes, blessés soignés revenant du dépôt (souvent surnommés "les éclopés" dans les JMO) ou d'un GBD ou d'une SIM sans passage par le dépôt (surnommés alors les "récupérés" dans le JMO du 81e RI), soldats reconnus "apte au service armé" alors qu'ils étaient exemptés, réformés, ou dans des fonctions "d'embusqués". Le 9e bataillon perfectionne leur entrainement et envoie ensuite les renforts à qui en a besoin. Tous les renforts pour le 9e bataillon du 46e RI proviennent de casernes de la 5e région militaire.
Le 9e bataillon est attaché à une division : un document du JMO de la 55e DI montre que le 9e bataillon le suit :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html page 29.
Les commandants de régiment ou le commandant de division piochent dans cette réserve, suivant des modalités à confirmer. Le JMO mentionne le 25 mai les"prescriptions de la lettre n° 194/5 en date du 23 mai du lieutenant-colonel Regnier" pour justifier l'envoi d'un renfort au 289e RI. Cette procédure par note de service est indiquée plusieurs fois, pour les départs comme pour les arrivées, fin mai 1915.
Le bataillon fournit les renforts aux régiments de cette division, parfois aux brigades ou à la division elle même ou à une compagnie du génie, mais dans ces derniers cas c'est anecdotique.
En regardant cet organigramme et la carte qui en découle, tout paraît simple :


Les officiers pouvaient être affectés dans des unités différentes de celles de la 55e DI. Mais je n'ai pas trouvé les règles à ce sujet.
De même, ce cas n'a pas été sélectionné pour sa simplicité, même s'il permet de comprendre facilement le mécanisme. Il a été choisi pour la richesse de son JMO. Toutes les divisions avaient-elles un recrutement aussi uniforme (ici, toutes les unités viennent d'une même région militaire) ?
Pour compliquer les choses, certains 9e bataillon semblent avoir été plus ou moins spécialisés dès cette époque (entraînement des nouvelles classes par exemple) dans un cadre d'un groupement de 9e bataillon, d'autres étaient plus ou moins fixes, d'autres étaient attachés à un corps d'armée.
¤ Quel était le lien entre le 9e bataillon du 46e RI et le 46e RI ?
Le lien avec le 46e doit être compris de la manière suivante : pour simplifier, un régiment était décomposé en trois unités
- un régiment d'active, portant le numéro 46 ici ;
- un régiment de réserve, portant le numéro du régiment + 200, soit 246 dans notre exemple ;
- un régiment de territoriaux (hors de notre investigation).
Ainsi, même s'il est plus lié au 246e qu'au 46e, ce bataillon est rattaché au 46e.
Mais qu'en est-il pour les renforts du 46e RI en lui-même ? Il n'était pas dans le secteur de la 55e DI. Il obtenait donc ses renforts par un autre 9e bataillon, celui du 31e RI.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
Ce 9e bataillon du 31 dépendait de la 10e DI (celle des 31e, 46e, 76e et 89e RI, ça vous rappelle quelque chose ?). Mais le cas est plus compliqué, avec des échanges de recrues avec le 9e bataillon du 113e et celui du 25e RI dès le printemps 1915... et il ne donne pas d'autres informations sur la provenance de ses renforts (seules des mentions de renforts du dépôt du 31e sont régulièrement notées). Et cela se complique quand on voit des renforts envoyés au 173e RI (900 hommes), au 342e... De nouvelles questions, d'autant plus que ce 9e bataillon du 31e reçoit des arrivages de recrues de la classe 17 exclusivement en parallèle. Et pas de JMO de 9e bataillon au 173e par exemple, et un JMO du régiment bien vide... Tout cela pour en arriver à la conclusion que l'exemple donné avec le 46e est très simple mais qu'une étude plus approfondie montrerait que ce qui en a été déduit ne fut pas obligatoirement la règle pour tous les 9e bataillons.
¤ Quelles étaient les activités au 9e bataillon ?
Le JMO du 31e RI et du 91e RI sont des compléments utiles à celui du 46e pour comprendre en quoi consistait une journée au 9e bataillon.
Des marches avec équipement, du tir, des manœuvres et tout ce qui touche au quotidien de la vie de militaire : "travaux de nettoyage du cantonnement" (16 mai), "théories" (19 mai), "exercices par compagnies" (20 mai), "exercices à l'extérieur" (21 mai). Voilà les principales mention pour le 46e.
Le 23 juin 1915, le bataillon du 81 envoie un détachement pour transférer 34 prisonniers, le bataillon fait plusieurs revues devant des hauts gradés (Mahd'huy le 11 juillet 1915, le président de la République le 9 août 1915, le ministre de la guerre le 30 août suivant.
Le bataillon a aussi des missions moins habituelles :
"3 août 1915 : le bataillon a la triste mission de fusiller 2 soldats condamnés à mort par le conseil de guerre".
"7 septembre 1915 : le bataillon prend les armes et fournit le piquet pour l'exécution d'une condamnation à mort par le conseil de guerre de la 66e division".
Un groupe de travailleurs agricoles (145 hommes) part à Lure et Vesoul pour des travaux agricole du 18 juin au 21 juillet 1917.
Point commun de tous les JMO de 9e bataillons feuilletés, outre les exercices militaires et autres entrainements, sont le détachement de tout ou parties du bataillon pour exécuter des travaux pour le compte d'un régiment, d'une division ou d'un corps d'armée.
Pour le 9e du 46e, le 9 août marque le départ d'un compagnie pour 6 jours (avant remplacement par une autre compagnie) pour Camblain l'Abbé. Il s'agit de faire des travaux pour le génie de la 55e DI. Travaux non sans danger : le 31 août, le soldat Perreaux François meurt des suites de blessures par éclats d'obus reçues pendant les travaux (non trouvé dans MDH), suivi de Pégon Stéphane (non trouvé dans MDH) mais dont la nature du décès le 1er septembre n'est pas précisé (on parle d'accident ensuite). Tous travaillaient sur le plateau 119. Le 7 septembre, les travaux font encore quatre victimes : Charles Goutorbe, Pierre Lemoine, Léon Douche (fiche MDH non trouvée), Léon Denois.
Carte des lieux : (JMO du 209e RI page 1 http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html )

Ce dernier cas nous permet d'aborder le dernier point sur ces bataillons :
¤ Quelle était l'unité des hommes affectés à un 9e bataillon ?
A priori, les hommes qui intégraient le 9e bataillon du 46e RI étaient considérés comme étant du 46e RI. j'en veux pour preuve la fiche MDH de trois des hommes tués pendant des travaux alors qu'ils étaient affectés au 9e bataillon du 46e : les soldats Lemoine, Goutorbe et Denois sont bien notés comme étant du 46e RI à leur décès.
Ce qui s'est passé au 46e semble confirmé par celui du IX/141e, que Cléry m'avait conseillé de feuilleter. En mai/juin, ce bataillon mène des travaux dans des tranchées en première ligne. Le résultat ne se fait pas attendre, plusieurs victimes sont à déplorer au retour des travaux : Léon Gaydon, Charles Biaggi, Gabriel Girard, Pierre Graule et d'autres qui n'ont été que blessés ou dont la fiche MDH est restée introuvable. Tous sont notés comme étant affectés au 141e ; la compagnie est même précisée pour l'un d'entre eux.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... 3808300901
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... =203036207
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... =919136216
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... 4136658718
Mais cela ne semble pas avoir toujours été aussi simple : voici le cas de Louis Julliard du 9e bataillon du 31e RI :
Venu du 113e régiment d'infanterie, inscrit comme appartenant au 31 RI, mais rayé et inscrit au 25e RI...
Je ne vais pas tirer de conclusion de ces quelques fiches car les situations semblent à nouveau avoir été diverses ! D'autant plus que le JMO du 9e bataillon du 48e RI (encore un autre régiment) indique que des soldats venus de divers 9e bataillon sont renvoyés vers les dépôts de leurs régiments respectifs.
Si vous avez rencontré dans vos études de régiments des fiches de soldats décédés lors de leur affectation à un 9e bataillon pour y voir un peu plus clair, je suis preneur !
¤ Pour trouver le 9e bataillon qui envoyait des renforts à un régiment :
Savoir quelle était la division de ce régiment et regarder dans le JMO de cette division à partir du 25 avril 1915 pour certains et d'août 1915 pour d'autres. Il y est peut-être fait mention du 9e bataillon qui lui est rattaché. En l'absence de réponse, voyez dans le JMO du Corps d'Armée qui le mentionne parfois aussi voir dans ceux des Armées car le rattachement du 9e bataillon n'a pas fait non plus l'objet d'une règle uniforme semble-t-il.
Exemple : le 9/81 est affecté à la 66e DI.
Hélas, une fois encore, les choses ne sont pas simples et certains bataillons n'ont tout simplement pas de JMO (comme le 9e du 113e RI, celui du 71e).
En plus d'exemples d'exemples de mpf des 9e bataillons, existe-t-il une liste exhaustive des 9e bataillons (et leur affectation pour compliquer un peu), des bataillons d'instruction dans les BCP ? La cavalerie (cela existait-il simplement) ?
Et les 9e bataillons à partir de décembre 1915 ? A suivre

Arnaud