trophées de guerre

[normand]

Bonsoir à tous,
Continuant mes recherches sur le MAM de Forges les Eaux,je me suis rendu à la mairie pour consulter les délibérations du conseil municipal.
A la date du 19 Juin 1920 on peut lire:
"Mr le président donne communication d'une lettre de Mr le préfet de la Seine Inférieure donnant avis qu'il est mis gratuitement à la disposition de la ville un canon de tranchée et deux obus de 370 comme trophée de guerre."
Je voudrais savoir si c'était une pratique courante?
Bien cordialement,
Laurent

[mny]

Bonsoir,

Pour une fois, jai peux répondre, car j'ai eu entre les mains les circulaires officielles et j'ai pu retrouver le JO où il en était question.
Le gros problème, pour les communes était d'aller chercher les prises de guerre. J'ai pu voir les délibérations du Conseil Municipal débattant de cette grave question, à savoir s'il fallait vraiment dépenser de l'argent ou s'il fallait honorer les morts de la commune à tout prix. Dans ce cas-là, le maire a finalement tranché, et on a loué des boeufs (c'est lourd, un canon !) pour aller au point de distribution à une centaine de km, si je me souviens bien.
En fait, l'état ne savait plus quoi faire de tous ces trophées.

Cordialemenmt.

[Gardiendelombre]

Pour répondre à Normand, il y a eu effectivement 2 périodes :

la première, celle des trophées de guerre.
Comme le signale mny ,ça avait tout plein d'avantages : ça ne coûtait rien, c'était impersonnel , et on en avait à revendre .

Dans un deuxième temps, ça a été les monuments... et là c'était une toute autre chanson ...

D'abord le monument il a un style... lequel fait transparaitre un message politique: le soldat victorieux, le soldat conquérant, le soldat blessé, le soldat mort veillé par un ange...
Tout ça n'est pas neutre ...

Et tout ça n'est pas gratuit non plus ...

Et tout ça est appelé à véhiculer son message induit de toutes évidences fort longtemps après son érection ...

Puis, le monument ... il y a aussi le problème des noms qu'on va mettre dessus ....

En fait, il y tout plein de problèmes avec les monuments ....

Bonsoir à tous .

[Arnaud Carobbi]

Bonjour à tous,

Gardiendelombre (Bonjour !), vous avez une lecture erronée de la chronologie. La mise à disposition des "trophées de guerre" est parallèle à la mise en place des monuments aux morts et leur installation fut souvent postérieure (à partir de 1921 probablement). D'après ce que j'ai pu trouver aux AD72, c'est la circulaire du 11 juillet 1919 du Ministre de l'intérieur concernant la fourniture de trophées de guerre par la direction générale de la liquidation des stocks qui rend possible l'opération. Une grande quantité de matériel de guerre allemand stocké, ou français dans certains cas, fut mis à la disposition des municipalités : canons, mortiers, munitions, mitrailleuses et même fusils, casques et baïonnettes. Le faible nombre de survivants de ces installations laisse mal imaginer le nombre qui fut réellement installé, mais les archives départementales disposent théoriquement dans la série M d'un dossier concernant l'attribution des trophées de guerre aux communes. En effet, cette opération se faisait par l'intermédiaire de la préfecture. Théoriquement, on trouve dans ce dossier des listes de communes concernées, le matériel mis à disposition...

Il y eut bien deux étapes . La première fut celle de la réservation des trophées, puis la prise de conscience du coût élevé de l'opération qui fit renoncer un certain nombre de communes. En effet, si la mise à disposition était gratuite, il n'en était pas de même du transport et de manutention depuis les lieux de stockage (Paris, Vincennes, Laon, Rennes, Fontainebleau, Bourges, Vannes, Châteaudun pour ce que j'ai pu identifier). Le coût dépendant notamment du poids : un obus de 75 pesant 7 kg, un obus de 370 700 kg, un mortier de 21 cm, 5000 kg, pour ne citer que ces trois exemples. Donc cela avait un coût parfois si important que les communes ne purent aller au bout de leur projet ; ce n'était donc pas gratuit.
Réponse élaborée à l'aide de cote 1 M 307 des AD72.

Quant aux questions de style, de message, de choix des noms, c'est un tout autre sujet.

Cordialement,
Arnaud

Edition : donc on devrait trouver dans tous les départements de France ce type de dossier.

[yvo35]

Bonjour Arnaud,

Le faible nombre de survivants de ces installations laisse mal imaginer le nombre qui fut réellement installé,

Est-ce que la Seconde Guerre mondiale y est pour quelque chose? Les Allemands ont bien dû être tentés de récupérer tout ça.

[Tanker]

Bonjour,

Pour compléter le propos d'Arnaud et d'Yvonnick.

Ce sont effectivement beaucoup les Allemands qui en ont fait le grand nettoyage en 1940.
Au départ pour des projet de musée, mais finalement surtout pour alimenter en acier leur industrie de guerre.
La collection de l'école d'Artillerie de Fontainebleau (dont parle régulièrement Guy) a aussi disparu comme ça.

Le besoin en matière première reste, la raison principale de la disparition de beaucoup de ces trophées,
et les Américains eux-mêmes ont sacrifié une grosse partie de leur belle collection d'artillerie.
La vraie Gross Bertha de 42 cm, conservée à Aberdeen, avec des modèles de tous les canons allemands,
a fait partie de ces sacrifiés.
Les archives américains ont des films intéressants, montrant la destruction au chalumeau de ces canons.

Le manque d'entretien de ces trophées, voir leur délabrement, l'envie de faire autre chose sur leur emplacement,
(ou de tourner la page) font aussi sans doute partie des raisons ayant amené à des dispartition de ces vestiges.

Concernant les monuments aux morts, dans les années 80, une équipe du Génie fut chargée de vérifier tous
les monuments, de France et de Navarre, pour en éliminer tout ce qui pouvait encore contenir de la matériel active . . .
Et en effet, bon nombre d'obus, équipés de chaînes décoratives avaient été utilisés, sans même avoir été vérifiés
et vidés de leur explosif !

Il y a aussi eu les chars "en pot de fleur", dont les Britanniques ont orné bon nombre de village de leurs zones d'engagement.

On a pu en voir (liste non exhaustive), pendant de nombreuses années dans : Combles, Compiègne, Epehy, Hooge, Langemarck,
Lassigny, Le Tréport, Ménin, Merlimont-Plage, Mers-les-Bains, Montbrehain, montdidier, Poelcapelle, Péronne, Roye, Suippes,
Yprres, Zillebeke, Zonnebeke, et aussi le Fort de La Pompelle (avec les Mark IV allemands détruits laissés par les français)

C'était, pour l'Armée Britannique, une manière simple de ne pas avoir à rapatrier en Grande-Bretagne des matériels qui avaient fait leur temps . . .

Très bon Week-End - Michel

[normand]

Bonsoir à tous,
Merci pour toutes ses réponses.
Pour l'instant je ne sais pas si la mairie de Forges les Eaux,à l'époque avait récupéré ses ''trophées''.
Actuellement il n'y a aucune trace,mêmes sur les quelques cartes postales que j'ai pu me procurées.
Bien cordialement,
Laurent.

[mny]

Bonsoir,
Est-ce que par la suite la question des trophées de guerre revient dans les délibérations ?
C'est un problème qui engage le budget, il a fallu prévoir des fonds, ce rapatriement était assez onéreux. Si vous ne trouvez rien à ce sujet dans les délibérations, c'est que le conseil a préféré à la quasi unanimité, tacitement, de s'abstenir de donner suite. Beaucoup de communes ont préféré soit investir davantage dans le monument lui-même, soit de poser une simple plaque et gérer le budget de façon plus... économe, et essayer de réparer le désastre économique qu'a été cette guerre pour tous.
Cordialement.