10 août 1914, Mangiennes...

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Frederic RADET
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Frederic RADET »

Bonjour,

aujourd'hui jour anniversaire de la Bataille de Mangiennes (Nord de Verdun).



On se battait à Mangiennes.

Mais d'où venaient ces obus éclatant autour du village ? De si loin il était impossible de le deviner, comme de reconnaître les uniformes de ces longues lignes de tirailleurs qu'on apercevait parmi les gerbes, dans les champs moissonnés.

Avançaient-elles ou reculaient-elles en combattant ? Quel était le sens du combat ? Toutes ces questions augmentaient l'angoisse...

Mais dans un champ vert on distingua une masse noire.

Tout à coup apparurent sur elle quelques petits nuages blancs et ce fut une débandade éperdue de cavaliers.

Quel soupir de soulagement !



Nos 75 venaient d'entrer en action.

Hélas !!

Malgré cette intervention heureuse, il n'y avait pas de doute à conserver. Des pantalons rouges battaient en retraite, qui évacuaient Mangiennes. Il en sortait des fermes, des bois, de tous les replis du terrain.

Sur la grande route, des convois se formaient. Le soir tombait. Dans le silence émouvant, nos soldats scrutaient la plaine où le sang des nôtres avait coulé, lorsque soudain un chant s'éleva. L'impression était poignante...

Des strophes de la Marseillaise montaient comme un cantique dans le calme du crépuscule. Un escadron du 14e hussards, ayant rencontré un convoi de blessés, leur avait rendu les honneurs, et ceux-ci répondaient par un serment d'amour et par un acte de foi en clamant les couplets vengeurs de l'hymne immortel.


Cordialement,
Frédéric
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Frederic RADET
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Frederic RADET »

Re,

Témoignage du caporal Legorgu, du 130ème RI

"10 août 1914, journée fatale pour notre régiment. Je me lève vers 7h00 après une bonne nuit de repos passée dans la paille. Après avoir bu mon café, je procède à l'achat de quelques provisions. Notre ravitaillement laisse plutôt à désirer.

Tout à coup, l'alerte est donnée ; je rejoins mon escouade qui fait partie du détachement désigné pour aller à la rencontre de l'ennemi signalé à 3 km environ.

La compagnie se dirige vers le nord-est de Mangiennes. Du lieu où nous étions, nous pouvions apercevoir sur un plateau à quelques distances, la charge de nos dragons. Nous marchions à flanc de coteau où l'avoine, prête à être récoltée, nous vient aux genoux. Je m'amusais en marchant à cueillir les coquelicots, des pâquerettes et des bleuets que je mis dans mon sac, me promettant de les garder en souvenir de ma première bataille.

L'ennemi est signalé à portée de fusil ; vous dire l'émotion ressentie serait superflue ; nous étions au moment tellement désiré que l'on ne pensait pas au danger. L'officier qui nous commande nous fait coucher dans l'avoine, en plein soleil, sous une chaleur tropicale où nous resterons trois heures (...)

Le tir de l'artillerie vient droit sur nous, il ne nous reste donc plus qu'à vendre chèrement notre vie. Allons-y et vive la France! Je regrette de mourir si jeune, dans ce malheureux champ, avec si peu de gloire.

La lutte continuait âprement sous les rafales de mitrailleuses. Tous mes camarades tombaient ; j'attendais mon tour, un de mes hommes venait d'avoir un bras emporté, d'autres avaient la poitrine ou les bras traversés par des balles, des mourants appelaient leur mère ou leur fiancée. Mon lieutenant venait d' être tué d'une balle dans la tête, tour à tour les gradés tombent.

Sur l'avis du chef de section voisine, je prends la poignée d'hommes qui me reste et je charge. Après 50 mètres, un obus explose au millieu de nous. Relevant la tête, personne ne bouge plus. J'essaie de me relever, une violente douleur me recouche sur le ventre, je porte mes mains aux reins et les retire pleines de sang. J'étais sérieusement touché. J'appelle, personne ne répond ; mon angoisse augmente car l'artillerie ennemie continue l'arrosage.
Un obus éclate à ma gauche et m'envoie des éclats dans le bassin, me fracturant la cuisse gauche. La charge continuait. Un adjudant passant près de moi me dit :
-Ben quoi, Legorgu, on reste en panne?
Il me regarda poussant un cri de pitié qui me fixa sur mon sort : Jétais foutu?
J'envisageais la mort avec calme, pensais une dernière fois à mes amis, plus particulièrement à mon meilleur copain, peut-être mort lui aussi. Je ne pus m'empêcher de pleurer. Un troisième obus vint éclater à ma droite, m'inondant à nouveau de sang.

C'est la fin, pensais-je, il faut bien souffrir pour mourir. Les obus et les balles continuaient à tomber sur les blessés. (...)

Un air lugubre planait sur le champ couvert de sang ou je m'apprêtais à passer la nuit. Nuit macabre au milieu des râles des agonisants. Je songeais où était la victoire escomptée si facilement ce matin. Que de mères privées de leurs enfants. Lorsque je fus réveillé par des appels :
- Gaston! Gaston!
-Par-là! M'écriais-je. Vous dire ma joie en constatant que mon meilleur copain était vivant. Il m'embrasse, heureux lui aussi, nous pleurions de joie."

Cdl,
Frédéric














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ric
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par ric »

Bonjour,

Triste baptême du feu pour le 130ème R.I, et dire qu'il va encore être très éprouvé une dizaine de jours plus tard à Virton.
Mais avant le choc du 22 août on peut déjà sentir les discordes entre l'état-major du corps d'armée et celui des divisions, l'une prônant l'offensive à outrance, l'autre (dumoins à la 7ème) adepte des principes de base enseignés à l' Ecole de Guerre des Lanzerac, Bonnal, Maillard...
On connaît la suite.

Ric
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Popol
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Popol »

Bonsoir à Toutes & Tous
Bonsoir Frédéric et Ric

Un grand merci pour ces témoignagnes sur la Bataille de Mangiennes. En effet, le 130ème RI a connu son baptême du feu et a été éprouvé. Le 22 août suivant, le 130ème montait en avant-garde de la 8ème DI sur la route d'Etalle dans le brouillard ...
Il est regrettable que l'on ait pas tiré profit, par la suite, des enseignements de cette première bataille ...!
Dans le cadre de mes recherches particulières sur la Bataille de Virton, j'aimerais bien connaître les premières pertes exactes du 130ème RI à Mangiennes (nombre de tués, blessés), des autres régiments. Ces informations intéressent également notre ami Excalibur...

Comme Mangiennes n'a pas été occupée immédiatement par les Allemands, l'identification des tués a dû être normalement complète et relevée officiellement. Un premier cimetière provisoire a dû être érigé ...?

J'adresse donc à Frédéric la supplique non-urgente suivante:
A l'occasion, pouvez-vous consulter les registres de l'Etat Civil à la mairie de Mangiennes (ouverte le jeudi?) à ce sujet ...? D'avance un grand merci!
Un bonsoir de Bruxelles ...trop éloignée de Verdun.
Bien cordialement
Paul Pastiels
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ric
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par ric »

Bonjour Popol, bonjour à tous,

Voici un mot du chef d'état major du 13 août

... l'esprit de la troupe est remarquable au 130ème malgré les grosses pertes, 700 hommes hors de combat, d'apprès les chiffres reçus pour l'instant, pour deux bataillons seulement, on ne s'apercevrait pas, en causant avec les survivants et en les voyant tout joyeux, de la rude journée qu'ils ont vécue....
signé Grossetti.

Ric
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Popol
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Popol »

Bonjour à Toutes & Tous
Bonjour Ric

- Merci pour ces premières informations et les premiers chiffres des pertes!

- Il existe un ouvrage sur cette bataille, mais je n'ai pas encore eu le bonheur de le découvrir ...

- Selon l'ouvrage du général A. TANANT " La troisième armée dans la bataille" (1922), l'auteur (officier d'EM à la IIIe armée) écrit ce qui suit:
p.28 et s.
(...) A 23h (10/08), je venais de regagner ma chambre quand on vient m'appeler. Je descends vivement au 3e bureau où règne une certaine agitation. L'officier de service a reçu un rapport du général de Lartigue commandant la 8e division. Il rend compte du combat qui vient d'avoir lieu à Mangiennes. Grosse attaque. Pertes terribles et le combat continue. (...)

Le 11 août, vers 7h, je reçois un récit impressionnant du combat et cours chez le chef d'état-major pour le lui lire.
Assis au bord de son lit, le général Grossetti écoute. Quand j'arrive à cette phrase que je lis avec un tremblement dans la voix: " Nos soldats s'élancent à la baïonnette sous le feu des mitrailleuses en chantant la Marseillaise", les yeux de mon chef se remplissent de larmes, il me prend les mains et en sanglotant il me dit: "Ah, mon ami, que c'est beau! Avec de pareils soldats nous sommes sûrs de vaincre. Ah, les braves gens!".
Je ne sais si beaucoup de mes camarades ont vu pleurer l'intrépide soldat que fut Grossetti. Je l'ai vu. (...)
Mais les pertes? Environ 500 hommes dont plus de 100 tués. C'est un coup dur. (...)

- Toutes les informations sur ce combat sont toujours les bienvenues, merci d'avance !

Un bon samedi ensoleillé !

Bien cordialement
Paul Pastiels
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ric
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par ric »

Bonjour,

Le médecin chef d'une ambulance allemande, installée à Pillon a accusé dans la matinée du 11 août 200 tués et 400 blessés, mais de nombreux blessés sont encore sur le terrain dit-il. ( "Comprendre" du capitaine Carrias 1932)

Dans "l'état major en 1914" de de Trentinian on peut lire:

On lit au chapitre 7 du règlement sur la conduite des grandes unités: " Pour le combattant, l'attaque est toujours menée avec a résolution d'aborder l'ennemi à l'arme blanche et de le détruire"
Comment dès lors, s'étonner de l'héroïque folie avec laquelle le bataillon, surpris à hauteur de la ferme de Moreigne, se jeta sur l'ennemi.

Bien cordialemnt
Ric
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Frederic RADET
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Frederic RADET »

Bonjour à tous,

le monument en mémoire de ce combat...

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Les plaques sont vandalisés tous les ans, resultat, elles ne sont installées que le jour de la commémoration !

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Mme BASTIEN, Maire de Mangiennes.

En ce qui concerne les pertes françaises, elles s'élévent à 120 tués et 600 blessés.
Une partie des morts ont été inhumés à quelques mètres du monument, d'autres auraient été enterrés à la sortie du village (direction Romagne-Azannes).

Les actes de decés n'ont pas été établis à Mangiennes. Les corps ont été reinhumés à la nécropole de Pierrepont aprés la guerre;
Je vais faire des recherches, vous tiens au courant.

Cordialement,
Frédéric
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Popol
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Popol »

Bonsoir à Toutes & Tous
Bonsoir Ric et Frédéric

Merci encore pour votre gentillesse et pour les dernières précisions à propos des pertes françaises lors du combat de Mangiennes!

120 tués + 600 blessés : c'est déjà 2/3 d'un bataillon ...!

Les actes de décès ont peut-être été établis à Billy-s/Mangiennes ...??

En passant jadis au cimetière militaire allemand de Mangiennes, j'avais dénombré 21 tombes de soldats allemands tués le 10 août 1914 ...

Une bonne soirée de Belgique
Bien cordialement
Paul Pastiels
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Frederic RADET
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Re: 10 août 1914, Mangiennes...

Message par Frederic RADET »

Bonjour,

voici le plan du cimetière militaire de Mangiennes.

Image

En fait, ce cimetière rassemblait les corps de soldats tués à Mangiennes et aux alentours.
Il a été crée en septembre 1920 aprés accord du conseil municipal du 8 mai.
En 1924 les corps ont été une deuxième fois rassemblés à Pierrepont.
Ce fait était courant sur dans les zones de l'arrière-front Allemand, cimetières d'Eton, Spincourt,Bouligny, etc....

Cordialement,
Frédéric
On ne passe pas !
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