Bonjour Claude
Bonjour à tous
Votre référence au 3e RMZ m'interpelle. En effet, dans ce secteur il n'y a que deux bataillons du 3e régiment de zouaves et encore sont-ils relevés dans la nuit du 12 au 13 décembre 1914, puis basculent avec leur régiment : le 8e régiment de marche de zouaves, sur Dunkerque puis Nieuport.
Ce serait donc un cas de fusillé non lié à l'affaire qui nous intéresse.
Explications complémentaires :
- le 3e RMZ (37e DI), composé des 1er, 5e et 11e bataillons du 3e Zouaves, est dans l'Oise, secteur de Tracy-le-Mont, Quennevières.
- le 3e bis RMZ (à cette époque, il est encore appelé 3e régiment de marche de zouaves) de la 45e DI, composé des 3e, 6e et 12e bataillons du 3e Zouaves, est en Artois.
- le 8e RMZ (à cette époque, il est encore appelé régiment de marche de zouaves de la division marocaine), composé des 1er bataillon du 1er RZ, 3e bataillon du 2e RZ, 2e (Commandant Cortade) et 4e (commandant Lagrue) bataillons du 3e RZ, est avec la 2e brigade du Maroc (8e RMZ et 7e RMT) qui a quitté temporairement la DM (toujours en Champagne à l'est de Reims) pour venir en Belgique.
Concernant le transfert des tunisiens de la 15e compagnie du 8e RMT au bataillon Lagarde (11e bataillon du 4e RZ appartenant au 4e régiment de marche de zouaves de la 38e DI), j'ai dit plus haut dans ce fil que je ne pensais pas qu'il ait été réalisé pour des raisons d'ordre administratif et humaines. En effet,
- sur le plan administratif, le recrutement n'a pas la même origine : européens de France ou d'AFN pour les zouaves, indigène pour les tirailleurs. Si zouaves et tirailleurs ont toujours combattu côte à côte, en Algérie, en Tunisie et au Maroc, le mixage d'unités de zouaves et de tirailleurs (exclusivement algériens ou tunisiens, les unités de tirailleurs marocains étant strictement homogènes) n'est réalisé que de façon limitée : au début de la guerre avec le 1er RMZT de la 3e brigade du Maroc (1er RMZT et 9e RMZ) et le 2e RMZT (d'abord isolé, puis qui rejoindra la 48e DI en février 1915) ; il est ensuite étendu à deux autres régiments en juin 1915 : le 3e RMZT, initialement un régiment de marche de zouaves qui perd un de ses trois bataillons (passé au 8e régiment de marche de tirailleurs de la 4e brigade du Maroc pour devenir le 4e RMZT) et reçoit le 3/4e RTT venu du Maroc ; le 4e RMZT, initialement un régiment de tirailleurs à trois bataillons de tirailleurs tunisiens, perd le 2/4e RTT qui part au Maroc et reçoit le 6/4e RZ venant du futur 3e RMZT (ex 7e RMZ).
Pour être exhaustif, il faut aussi citer les 1er et 2e RMZT de la 2e brigade du Maroc de la division marocaine dont seul le 2e comportait effectivement un bataillon de zouaves. Ces deux régiments seront dissous le 1er octobre 1914 suite aux pertes de la bataille des frontières et de celle de la Marne et les bataillons de tirailleurs fusionneront au sein du futur 7e RMT (2e BM de la DM) tandis que le bataillon de zouaves du 2e RMZT rejoindra le futur 8e RMZ.
On peut donc constater que ce mixage n'existe pas en dessous du niveau bataillon, contrainte de recrutement oblige.
Il faut signaler qu'à la fin de la guerre il n'y a plus de régiments mixtes même si les 1er et 4e RMZT gardent cette appellation alors qu'ils sont devenus de fait des régiments de marche de tirailleurs à trois bataillons de tirailleurs ; les 2e et 3e RMZT ont quant à eux été dissous et transformés en régiments de marche de tirailleurs, respectivement les 6e et 13e RMT. Ceci s'explique essentiellement par les problèmes de recrutement des zouaves plus que par des problèmes d'aptitude au combat.
- sur le plan humain, compte tenu du recrutement, la cohabitation au sein de petites unités, section et compagnie aurait posé des problèmes. En effet, la vie quotidienne dans les régiments de tirailleurs était vécue au rythme des grandes fêtes religieuses musulmanes, le commandement des tirailleurs par l'encadrement européen était à la fois paternaliste (il fallait faire le relais avec les familles restées en AFN -transmettre et donner les nouvelles, il fallait régler toutes les chicayas) et ferme (il fallait sanctionner avec rigueur les fautes et écarts de tous ordres sous peine d'être incapables de commander au feu - il fallait être reconnu comme le chef et il fallait montrer l'exemple). A l'inverse, les zouaves vivaient au rythme des fêtes chrétiennes, étaient capables d'initiative au petits échelons. Le mixage partiel ou le combat côte à côte de ces deux recrutements donnaient d'excellents résultats au combat car la furia des zouaves entraînaient les tirailleurs qui étaient d'excellents combattants mais dont le fatalisme traditionnel pouvait prendre le dessus si leurs chefs avaient disparus - ce qui explique certaines débandades ou certains retraits intempestifs constatés çà et là, mais globalement peu nombreux sur l'ensemble du conflit.
Concernant l'engagement des tunisiens enfin, j'ai lu (mais je ne sais plus où mais quelques éléments dans ce lien
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... words=free) qu'effectivement les premières ponctions demandées pour compenser les premières pertes n'ont pas été bien acceptées en Tunisie et ont donné lieu à quelques refus suivis de mises en ordre plus ou moins musclées.
La participation des tunisiens sur le front français y est assez importante puisqu'au début de la guerre sont envoyés 9 bataillons (sur les douze existant dont trois restent au Maroc - deux du 4e RTT et un du 8e RTT) répartis dans 5 régiments de marche : le 4e RMT et le 8e RMT au sein de la 38e DI (chacun à deux bataillons), le 8e RMT de la 4e brigade du Maroc (futur 4e RMZT) à trois bataillons, le 1er RMZT de la DM (futur 7e RMT) avec un bataillon, le 2e RMT de la 45e DI (futur 1er RMT) avec un bataillon.
Au printemps 1915, ces 9 bataillons sont répartis dans seulement 4 régiments de marche : le 4e RMT à la DM avec 3 bataillons du 4e RTT, le 8e RMT à la 38e DI avec 3 bataillons du 8e RTT, le 4e RMZT (qui rejoint la 38e DI fin 1915) avec deux bataillons du 8e RTT et le 3e RMZT avec un bataillon du 4e RTT.
A l'été 1918, avec la création d'un nouveau bataillon au 8e RTT et la dissolution (ou le retour en AFN du 3/4e RTT lors de la dissolution du 3e RMZT), les 9 bataillons de tunisiens toujours présents sur le front français sont répartis en trois régiments de marche homogènes : le 4e RMT (il quittera la DM en août 18 et passera à la 2e DM nouvellement créée) à trois bataillons du 4e RTT, le 8e RMT (il quittera la 38e DI à la mi-septembre 18 pour rejoindre la 56e DI) à trois bataillons du 8e RTT et le 4e RMZT (toujours à la 38e DI) à trois bataillons du 8e RTT.
Ces trois régiments ont plutôt bien combattus puisque le 4e RMT et le 4e RMZT terminent la guerre avec la fourragère rouge (6 palmes) tandis que le 8e RMT termine avec la fourragère aux couleurs de la médaille militaire (5 palmes).
Les pertes sont éloquentes puisque, pour le seul 4e RMT, le décompte du capitaine Mennerat (dans Tunisiens héroïques au service de la France) donne les chiffres suivants : 2059 tués, 10259 blessés et 3165 disparus. je n'ai pas encore terminé le même décompte pour les deux autres régiments mais ils semblent du même ordre de grandeur.
Comment expliquer l'ordre de Foch (décimation et transfert des restes dans une autre unité de style totalement différent) à l'égard de cette compagnie alors que, comme je l'ai dit plus haut dans le fil, le 8e RMT était à ce moment là réduit à un petit bataillon mal instruit (beaucoup de jeunes) et mal encadré (beaucoup de pertes dans l'encadrement européen non compensées) ? Méconnaissance des unités indigènes ? Nécessité de faire un exemple mais a-t-il donné le même type d'ordre pour d'autres unités métropolitaines ?
Je n'ai pas les réponses à ces questions et s'il y en a, je serais heureux de les connaître.
Cordialement
Eric
Edité pour complément
Nota : avez-vous la liste nominative de ces fusillés du 8e RMT pour voir si ces noms apparaissent sur le JMO qui donnent des pertes nominativement dans cette période.