La lecture des JMO du Service de Santé est parfois fastidieuse ou d'un profond ennui (comme ceux de certaines prévôtés, qui alignent sur de pleines pages la lancinante mention: -d°--d°--d°--d°-), mais parfois, les rédacteurs atteignent une qualité exceptionnelle.
Je recommande à tous la lecture du JMO du Service de Santé du 73e RIT, quatre forts volumes tenus admirablement par l'excellent Dr Nogué. C'est long, mais prenez le temps de le lire, c'est une merveille: des croquis, des aquarelles (au début) des photos légendées, de première qualité, des plans de même. Il faut juste s'habituer à sa belle petite écriture, une vraie écriture de médecin à l'ancienne.
Mais si vous voulez sourire, alors, je me permets de vous recommander le JMO du Service de Santé du 75e RIT, sinon tout du long, du moins quelques savoureux passages, aux où le rédacteur se lâche. Il s'agit de l'admirable sergent-brancardier de Boishusson, qui, rentrant de permission, se définit lui-même, avec la bénédiction de son chef de service, comme ayant
Je ne lui vois qu'un seul défaut : l'abus des virgules, c'est vous dire, et peut-être, l'usage des "compléments d'objet interne", par ex. ci-dessous, "ouvrir un ouvroir".rempli les fonctions de secrétaire du M(édecin) M(ajor) chef avec beaucoup de tact et de dévouement.
Prenons ainsi la page 59/83, en date du 29 octobre 1915.
Il y d'abord un coup de colère :
Ensuite, ce paragraphe, que je considère mériter hautement la citation :Depuis 3 jours l'équipe spéciale contre les gaz vient d'ouvrir un ouvroir et lequel !!.... à quelques centaines de mètres des lignes boches, le travail que les embusqués et les gens foutre de l'arrière ne veulent pas faire.
Je n'ai pas hésité une minute à faire passer à la postérité le nom de cette généreuse personne, qui a su remonter le moral de tout un service médical de Terribles Toriaux.Heureusement il y a quelques surprises agréables, on trouve dans certains tampons, quelques déclarations amoureuses de femmes parisiennes (Berthe Anthime 21 rue du Cherche-Midi Paris VI) qui nous redonnent du courage.
Ces déclarations, toutes les mêmes, se réduisent à ceci: Bons baisers d'une Parisienne - La Victoire est proche - Bon courage - Les vieux poilus de l'équipe gazière, redeviennent jeunes malgré eux.
Un peu plus loin, le sergent-brancardier se surpasse (page 63/83).
Le contexte est le suivant : il s'agit de déterminer, après une note adressée d'En Haut au sujet de l'application des ventouses, quelle en est la meilleure manière.
Hein qu'en dites-vous ? Revigorant.Traitement du Poilu: Dr de Névrezé 2e Bataillon (authentique) Pour appliquer ses ventouses scarifiées, et Dieu sait, si ce cher Dr en a vues ! sur un patient velu pour pouvoir bien appliquer la ventouse, il prend une feuille de journal, la flambe et la passe sur le ventre du malade pour griller les poils afin que l'adhérence de la ventouse se fasse d'une manière parfaite.
Bonne soirée à tous,
aB
