Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Avatar de l’utilisateur
Tanker
Messages : 3245
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Tanker »

Bonjour,

Dans deux sujets précédents sur :
- le Groupe AS 2
- les photos allemandes de Schneider détruits à Juvincourt en 1917,
ont été évoqués le sort du char du S/Lt Debruères et de son équipage.

Il existe une quinzaine de photos allemandes de ce char qui méritent quelques explications.

Image

Un élément d'identification de ces photos saute de suite aux yeux : le toit du char rejeté en arrière.
Le Schneider [strike]61216[/strike] est le char le plus avancé de la percée des chars du Cdt Bossut dans ce secteur.
(Correction du 28 Août 2010 : le Schneider du S/Lt Debruères est le n° 61047)
Les chars arrivaient alors sur la 3° ligne allemande.

Image Image

La photo n°1 (prise en direction du Sud) montre bien que le terrain n'a pas été "marmité" par les tirs d'artillerie.
Le rapport du Lt Poupel explique que le secteur était soumis au tir de l'artillerie française et allemande.
Une dizaine de Schneider ont combattu et se sont maintenus, le 17 Avril entre 12 h. et 16h. (4 chars de l'AS 2 sont rentrés de ce combat).

A partir de Juvincourt et du bois Claquedent les Allemands tiraient sur les chars, en tir direct au canon de 7,7.
Au moment ou le Schneider du S/Lt Debruères a été détruit, les autres chars, se sont maintenus en se déplaçant continuellement dans le secteur.

Au Groupe AS 2, dans les 6 chars qui ont fourni des données précises, le Schneider du Lt Delacommune (le n° 61206 - As de Tréffle 1) a :
- utilisé 260 litres de carburant,
- tiré : 80 obus de 75 sur 90 et 5000 cartouches de mitrailleuses.

La dotation des deux mitrailleuses Hotchkiss étaient de 4000 cartouches. L'équipage s'est probablement réapprovisonner sur un char endommagé.

Le char a tourné 17 heures et consommé au delà de sa capacité (200 litres). Dans ces 17 heures sont comptabilisés les trajets aller, avant le passage de la Miette, et retour.
Les chars transportaient des bidons de carburant supplémentaires qui expliquent ce dépassement de consommation. Un complément
a sans doute été réalisé à l'issue des combats, dans les lignes françaises, pour rejoindre Chaudardes.

Réparties sur un peu moins de 24 heures, ces 17 heures au commande d'un char Schneider sont très impressionnantes quand on sait combien la conduite de ces chars était difficile et physique, et que ces hommes étaient de plus soumis à un stress de combat important.

Image

La photo n° 2 montre le char entouré de soldats allemands. Cette photo est prise face au Nord. Les corps des membres de l'équipage sont encore au sol près du char. Elle n'a probablement pas été prise le jour même, mais le lendemain ou quelques jours plus tard.

Dans cette affaire, les Allemands avaient perdu du terrain, mais il se trouvaient là à l'abri des vues françaises, et caché par le petit mouvement de terrain que représentait la côte 76. Ils pouvaient donc pratiquer "le tourisme de guerre" . . . . .

A quelle date ont été enterrés les corps et par quelle unité allemande ? Cela reste à déterminer.
[strike]Il ne semble pas que les corps aient été enterrés sur place. Aucune des photos plus tardives ne montrent de monticules de tombes. [/strike]
[strike]Les corps ont-ils été retrouvés et identifiés après guerre . . . . . et où sont-ils enterrées ? [/strike]

Une photo montre bien trois tombes en arrière du char. il s'agit de celles de Debruères, Offrion et Lardic.
Louis Bergès a été enterré à Berry-au-Bac. Il a donc probablement été évacué sérieusement blessé, avec Evrard (Brulé au main et au visage) et Guesdon.
Les trois membres d'équipages enterrés sur place par les Allemands, n'ont pas été retrouvés et sont, peut-être encore sur place.


Les photos n° 3 à 6 ne montrent que 3 corps qui ont été grièvement brulés.
S'il n'est pas possible de les différencier, leur place et l'état du char permettent d'avancer
quelques hypothèses sur la manière dont le char a été détruit et ses hommes tués.

Image Image
Image Image

Dans le sujet sur l'AS 2 évoqué plus haut la liste de l'équipage a déjà été mentionnée. Il s'agit donc de
S/lt Debruères Pierre (chef de char)
MdL Offrion René (sous-chef de char)
Brig. Guesdon (canonnier)
2° classe - Louis Bergès
2° classe - Henri Lardic
2° classe - Louis Evrard
Le soldat Evrard fait partie des blessés cités dans les rapports de l'AS.
Le Brigadier Guesdon (nom à confirmer) n'a pas été blessé, ou simplement n'a pas été comptabilisé car seulement "blessé léger non évacué".
Les quatres autres ont été tués.
Louis Bergès, probablement très blessé et, sans doute évacué par ses deux camarades est mort plus tard.
Il est enterré à la nécropole de Berry-au-Bac.

En analysant les photos du char, il semble bien que le char n'a été touché qu'à l'avant.

Le rapport du Lt Poupel précise qu'a 13 h, cinq Schneider franchissent la côte 76 et se dirigent sur leurs objectifs, à l'Ouest du Bois Claquedent.
"Un 77 servi par 3 Allemands tire de plein fouet sur les chars qui ripostent en marchant".
Il s'agit du ou d'un des canons qui a détruit notre char à 13 h 15, après en avoir immobilisé, sans les détruire, deux autres chars.
Sur un premier coup au but, le char a du être immobilisé ce qui a du permettre les trois autres coups.
A l'intérieur il y a probablement eu plusieurs blessés, voir déjà plusieurs brulés sérieux. Les hommes sont sortis du chars (seuls ou aidés par les plus valides et par les fantassins d'élite accompagnant le char).
Les 4 grands brulés ont été placés sur l'arrière du char (dans la zone opposée aux tirs), et très grièvement blessés, sont morts là ou ils se sont écroulés.

Le Rapport du Lt Poupel dit aussi simplement que le char brûle. Il ne parle pas d'explosion. Les photos montre bien que le char a explosé.
S'il avait explosé de suite avec l'équipage à l'intérieur, les corps auraient été volatilisés.

L'équipage a donc pu sortir du char qui a ensuite explosé. il devait alors contenir de l'ordre de 80 obus de 75 . . . .
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Avatar de l’utilisateur
Tanker
Messages : 3245
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Tanker »

Analyse de la destruction du char



Image Image

Image Image

Image Image


La photo n° 10 permet de bien décortiquer la destruction du char.
Non seulement le toit du char a été arraché, mais il a totalement été retourné.
La photo n° 6 montre bien que c'est le dessous du plafond de char qui se trouve face au ciel.
Les photos n° 10 et 11 permettent aussi de voir la déformation vers l'extérieur du côté droit du char.

Image

La position des obus dans le char explique bien cet arrachement et cette déformation de paroi.
Si le feu a pris vers l'avant, il a pu enflammer le moteur (à nu dans l'habitacle) et le réservoir.
Le sol de l'habitacle et les caissons de munitions étaient en bois. La présence d'huile imprégnée
dans le char a du tout enflammer et amener, en final, les obus à exploser.
Les deux caissons d'obus de l'avant ont pu exploser en premier ouvrant le toit vers l'avant.
Pour finir, l'explosion des caissons arrière a provoqué la bascule du toit vers l'arrière.
Ces deux explosions ont du avoir lieu quasiment simultanéement.

Image Image

Après cette explosion, les 4 brulés, évacués du char n'étaient peut-être pas encore morts.
A 14 h 30 deux bataillons allemands ont contre-attaqué en direction de la côte 76.
C'est probablement cet événement qui a contraint les deux survivants à rejoindre les lignes françaises.

A ce jour aucun compte-rendu ne relate cet épisode, et il ne semble pas que les deux survivants du char aient été "débrieffés".
Il reste une piste à explorer : les journaux de marches des unités allemandes présentent à ce combat.
Journaux qui contiennent peut-être des informations complémentaires . . . .


Ces Schneider sont longtemps restés dans les lignes allemandes. Les photos réalisées montrent bien le temps
qui s'est écoulée depuis les combats d'Avril 17. Un peu partout l'herbe à repousser et des fouilles de tranchée
ou de boyau ont fait leur apparition près du char. Le cercle sans herbe autour du char montre bien l'intérêt
qu'il a suscité auprès des allemands.

Image
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Avatar de l’utilisateur
Tanker
Messages : 3245
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Tanker »

Comme le montre les légendes des quatre photos qui suivent, ces photos, transformées en cartes postales
ou utilisées dans des publications ont été "vendues" a de nombreuses sauces. . . . .
Ce Schneider français a obtenu la nationalité de la plupart des belligérants du front Ouest. Ce qui permet de le
voir encore vendu a toutes les sauces sur Internet . . . .

Image Image

Image Image

Une très longue carrière dans les armées américaines, allemandes et Britanniques attend encore le char du S/Lt Debruères.

Un dernier détail qui identifie bien ce Schneider comme ayant combattu en 1917.
Ce char n'est pas équipé du "déflecteur" installé en 1918 sur tous les Schneider.
Cette pièce devait éviter un bourrage de boue sur sur le barbotin. Elle n'était pas en place sur les chars employés à Juvincourt.

Image
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Avatar de l’utilisateur
Stephan @gosto
Messages : 5598
Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Localisation : Paris | Chartres | Rouen
Contact :

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Stephan @gosto »

Bonjour,,

Tout cela est impressionnant de précisions, de réflexions, de déductions. De passion !

Merci.

Amicalement,

Stéphan
ICI > LE 74e R.I.
Actuellement : Le Gardien de la Flamme

Image
tinou 501
Messages : 398
Inscription : mer. juil. 19, 2006 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par tinou 501 »

Bonjour,,

Tout cela est impressionnant de précisions, de réflexions, de déductions. De passion !

Merci.

Amicalement,

Stéphan

Bonjour à tous, bonjour Stéphan

Michel est encore plus impressionnant au naturel que sur le forum. ll m'a situé, au mètre près, su le terrain, l'emplacement où le char de mon père a été détrit, dans le parc de Grivesnes, en avril 18.

Amicalement et bravo Michel : à lundi

Louis
Tinou 501
Avatar de l’utilisateur
Tanker
Messages : 3245
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Tanker »

Bonjour,

Voici une nouvelle photo du char du S/Lt Debruères.
Le sol est recouvert de neige, la lumière et la visibilité horizontale ne semble pas terrible. Nous sommes toujours en secteur allemand.
Le manque de lumière explique probablement la mauvaise qualité du cliché
Il s'agit vraisemblablement d'une photo faite lors de l'hiver 1917-1918.

[Image
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Avatar de l’utilisateur
Tanker
Messages : 3245
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Juvincourt 1917 - Le Schneider du S/Lt Debruères (Groupe AS 2).

Message par Tanker »

Bonjour,

Les deux photos qui suivent, avec le cercle sans herbe entourant le char, montrent bien que le Schneider n° 61047 était souvent visité par les unités Allemandes du secteur.
Il existe plus de 20 photos de ce char, prises par les Allemands, entre le 16 Avril 1917 et l'Eté 1918.

En arrière du char, une croix et trois tumulus, qui sont probablement les tombes du S/Lt Debruère, du MdL Offrion et du canonnier Lardic

Image

Image

Sur la troisième photo, les tumulus et la croix ne sont plus visibles.

Image[img]

Les corps ont-ils été déplacés par les Allemands ou sont-ils encore sur place ?

AS 2 - Henri Lardic (06a).jpg
AS 2 - Henri Lardic (06a).jpg (182.41 Kio) Consulté 264 fois

La photo d'Henri Lardic vient de sa famille. En Novembre 2012, une petite nièce d'Henri Lardic, découvrait sur le forum dans quels conditions son grand-oncle avait été tué.
Il s'agit de son unique photo en uniforme, prise alors qu'il n'était pas encore dans les chars.

"En accompagnant mon fils dans la révision de son cours d'histoire de 3ème, je me suis replongée dans cette période de l'histoire en décidant de rechercher d'éventuelles informations sur le frère de ma grand-mère paternelle, Henri Lardic mort en avril 1917.

Quelle surprise et quelle émotion de découvrir autant de détails sur les conditions de sa mort, grâce à votre passion et à internet, alors même que les familles avaient à l'époque eu très peu d'informations sur la mort de leur cher ! Finalement, c'est peut-être mieux ainsi ...
Si vous avez plus d'informations à son sujet nous sommes preneurs mon frère et moi.
Si de votre coté, vous souhaitez des détails sur son identité, nous pouvons vous en faire parvenir, nous devons avoir dans nos archives une photo le montrant en tenue de soldat qu'il avait adressé à sa famille qui vivait à Concarneau dans le Finistère.
Il était clerc de notaire, avait son permis de conduire "des machines à pétrole", il était né à Rouen en 1896 où son père était douanier."


La famille de Louis Bergès a, de son côté, été bien plus rapidement informée, par un contact direct avec le Canonnier Evrard (en soin à l'ambulance de l'hopital Continental) et avec des informations apportées par deux chefs de chars de l'AS 4 et de l'AS 6.

Louis Bergès (01).jpg
Louis Bergès (01).jpg (115.2 Kio) Consulté 264 fois

Apparemment le récit, probablement fait par Evrard, n'a pas été transcrit dans les correspondances que s'échangeaient la famille.

Très bonne journée - Michel
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Répondre

Revenir à « Artillerie Spéciale »