Situation générale :
Les dernières opérations de l'année 1914 sur le front de Somme et de Champagne ont montré qu'il ne pouvait être obtenu de succès importants avant l'hiver qui interdit toute offensive d'envergure. Il convient donc de s'approprier des bases de départ afin de préparer au mieux la reprise du mouvement au printemps 1915. Le Haut Commandement songe à une action offensive en Woëvre. Si plusieurs fronts sont possibles, ce dernier n'est pas sans intérêt. Les armées allemandes sont maintenues à Vauquois. Verdun, bien défendu par ses forts de flanquement, joue son rôle de Place, mais l'avancée des troupes ennemies à St-Mihiel dés septembre 1914 l'étrangle. En effet, les Allemands, solidement implantés sur la rive gauche de la Meuse, sont maîtres de la voie ferrée Verdun-Nancy.

Situation sur les Haut de Meuse le 25 septembre 1914
Situation particulière
Articulation
Le général Dubail commande le groupement provisoire de l'est. Il est chargé de préparer cette opération. Le Général en chef met à sa disposition les 1e, 2e et 12e Corps ainsi que le 1er Corps de cavalerie à partir du 1er avril 1915 et le 17e Corps à partir du 8 avril. L'artillerie lourde comprend environ 360 pièces, l'artillerie de campagne compte 900 pièces de 75 et 100 pièces de 90. Enfin, des canons de 58 en assez grand nombre sont mis à la disposition des troupes qui en découvrent l'emploi.
L'opération doit revêtir la forme d'une attaque brusquée, menée rapidement et sans arrêt. Si après quelques jours de bataille, les résultats étaient insignifiants, on consoliderait le terrain conquis.
La 1ère armée, renforcée du 12e Corps, doit attaquer en direction de Thiaucourt. Le 6e Corps, à sa gauche, attaque le long des côtes de Meuse. L'attaque principale du 12e Corps est flanquée à gauche par une attaque du 31e Corps sur le bois de Mortmare, à droite, par une attaque du 8e Corps sur Fey-en-Haye.
L'attaque principale est confiée à un détachement d'armée provisoirement créé, et confié au général Gérard, qui comprenait le 1e, le 2 Corps et la division de Morlaincourt. Le général Gérard a pour objectif primaire de crever les défenses allemandes sur la ligne de Verdun - Mars-la-Tour puis d'exploiter afin d'envelopper l'ennemi vers le sud-est. La garnison de Verdun, en attaquant vers Étain, doit couvrir le flanc gauche de cette attaque. Les troupes sont transportées par convois automobiles et par chemin de fer dans le plus grand secret.
Notes Génie :
La stratégie retenue par l'École de guerre depuis les années 1890 est simple mais efficace : on marche à l'ennemi, on le fixe, on le détruit. Des âmes chagrines la trouveront simpliste. C'est faire fi de 2000 ans d'histoire. Déjà, le combattant gaulois est redouté au corps à corps. L'Empire romain s'attache ses services. Au fil des âges, nos ennemis apprendrons à retarder cet instant fatidique du contact. L'arc anglais et la mitrailleuse allemande poursuivent ce même but. Vu côté français, le binôme fusil-canon (le Lebel et le canon de 75) doit faire la différence.
Dans ce contexte, le rôle du Génie est mal cerné par l'État-major. Si son emploi est sans équivoque avant 1870, il n'en est plus de même après la refonte imposée par Mac-Mahon. En 1914, le ratio est d'une compagnie par division soit 1 sapeur pour 52 fantassins ou 1 sapeur pour 60 fusils, toutes armes confondues. Outre l'emploi, l'articulation de l'unité élémentaire (la compagnie) n'est pas immédiatement compatible avec l'infanterie. Si le fantassin peut abandonner son train de combat, il n'en est pas de même pour le sapeur qui transporte grâce à lui ses outils et ses explosifs. Ajoutons que les compléments (deux autres compagnies de sapeurs, une compagnie de parc et une compagnie de pont) font partie des E.N.E (Éléments Non Endivisionnés) et ces derniers marchent derrière les divisions.
Ainsi, la réalisation d'une tranchée pour un régiment d'infanterie demande 8 heures de travail à une compagnie de sapeurs, deux jours pour une brigade... En admettant que leurs forces ne les abandonnent pas !
Il est donc fréquent de trouver la compagnie du génie de division d'infanterie (C.G.D.I) soit en avant-garde si elle est susceptible de flanquer, soit dans l'arrière-garde si on ne sait qu'en faire. Certains généraux utiliseront les compagnies de corps d'armées (C.G.C.A) pour assurer la protection de leur Etat-major... D'autres les laisseront à l'arrière-garde avec mission de protéger la retraite d'un régiment...
Ces errements dureront peu de temps. Dès que les armées vont se figer , face à face (octobre 1914), les C.G.D.I vont être engagées sans répit. Fortement réduites après la Bataille des frontières puis la Bataille de la Marne, elles sont d'abord renforcées par les C.G.C.A. mais dès la mi-novembre 1914, il apparaît clairement que les effectifs Génie sont insuffisants. Les compagnies du Génie affectées aux Places fortes situées face à l'Italie sont dirigées vers le front. Mais cette effort ne suffit pas. Dès la mi-décembre 1914, des unités temporaires du Génie sont mises sur pied et leur création est rendu officielle par la lettre n° 7617 du 30/12/1914 (portant création des compagnies bis). Le 13 janvier 1915, le G.Q.G interpelle la 4eme Direction par note n° 458-1/11 pour faire le point des besoins et des ressources. On estime le besoin à 80 compagnies supplémentaires. La réponse est adressée en retour le 22 janvier 1915 (note n° 439-3/4). Les compagnies ont désormais une existence officielle. Les trains de combat sont réalisés et rejoignent ces unités nouvellement formées.

Chronologie
Notes Génie :
Depuis le mois de novembre 1914, le sapeur porte le poids de l'assaut. Presque toute les combinaisons ont été tentées. On voit ainsi une section du génie mise à la disposition d'un bataillon chargé de donner l'assaut. Une escouade est équipée de charges d'explosifs, la seconde de pinces coupantes, la troisième de pelles et de pioches. Encombrés, les sapeurs sont des cibles faciles. Au second assaut, les sapeurs ont toujours leur matériel, mais ils montent sans arme ! Ailleurs, la proximité des tranchées incite au retour aux sources. Faute de détruire les obstacles en surface, on passe par les dessous. D'abord en sape volante, puis en sape russe. Les premiers coups de pioche sont donnés sur les pentes de la Fille Morte. Aux Eparges, la méthode est reprise au mois de janvier 1915.
Les opérations préliminaires (30 et 31 mars) sont exécutées par les forces déjà en secteur. La 73e division doit enlever le Quart-en-Réserve, portion sud-ouest du bois Le Prêtre. La brigade active de Toul, chargée de l'exécution, conquiert, le 30 mars, une portion des lignes ennemies et tient tête à toutes les contre-attaques. L'action continue le 31 avec succès. Toute la première ligne allemande est entre nos mains et nos troupes s'y maintiennent.
31 mars - 1er avril 1915
Dans la nuit, un bataillon du 169e RI enlève le village de Fey-en-Haye sans pertes importantes. Au Quart-en-Réserve, l'ennemi contre-attaque toujours avec des bataillons frais, mais échoue, subissant de très lourdes pertes et abandonnant de nombreux prisonniers. En même temps, le 12e Corps entre en ligne à la gauche de la 73e division, entre le ravin de l'Ache et du bois Le Prêtre.
Ce matin, au petit jour, après un bombardement qui a duré toute la nuit, les Allemands ont attaqué en masse les tranchées que nous avons conquisela veille,au Quart en Réserve (bois Le Prêtre). Il y avait plusieurs bataillons dont un longeait la lisière ouest de la forêt par la plaine. Nous avons d'abord cédé sous cette attaque,en abandonnant la partie occidentale des tranchées. Mais,à 07h45,nous avons repris la totalité de la ligne que nous tenions hier soir. L'ennemi a laissé entre nos mains quarante prisonniers dont un officier.
La droite de la 1ère Armée fait des progrès dans la journée. La 73e enlève toute la première ligne des tranchées allemandes du Quart en Réserve (sous les bois et à l'extérieur) et prendre pied dans la seconde (dite ligne C).
Les avances réalisées, d'autre part, à l'est et à l'ouest de Fey-en-Haye constituent, dans leur ensemble, une sorte d'investissement du village qui sera pris cette nuit si l'opération projetée réussit. Nous avons fait plus de deux cents prisonniers dont plusieurs officiers et sous-officiers.
1er avril 1915
Au cours de la nuit, nous avons occupé Fey-en-Haye et poussé notre ligne au nord du village.
La 1ère Armée ne fait pas de progrès aujourd'hui;Elle prend,puis perd deux blockaus sur la ligne C ennemie,dans le Quart en réserve;mais elle résiste aux contre-attaques sur Fey et conserve son gain de la veille.
A la demande de Dubail, le général Gérard monte ses attaques sur le front le plus large et demande deux batteries supplémentaires de C.T.R. Le général en Chef donne des ordres pour compléter à 108 les batteries de 75 du 1er et du 2ème C.A. Il donne en plus 10 canons à la gare régulatrice pour pouvoir des remplacements rapides en cas d'éclatement.
En ce qui concerne les mouvements de renforts, le détachement Gérard continue son rassemblement :
- Arrivée à Verdun des groupes légers du Corps de cavalerie,
- L'artillerie lourde reconnait ses emplacements sur la crête des Hauts de Meuse,face à l'est,
- Le 1er C.A. fait étape en deux colonnes et gagne la région de Souilly,
- Au 2ème C.A.,la 4e D.I. et l'artillerie de corps atteignent la Meuse : tête à Sommedieu ; la 3e D.I. vient à Triaucourt,
- Le Corps de cavalerie fait étape : la 1ère D.I. à Thiellemont,la 3e D.I. à Montiérender.
Le Gouverneur de Verdun relève par des territoriaux les bataillons actifs de la Division Bapst;ces bataillons constituent,avec des groupes légers,une brigade (de Bourgon),destinée à agir à la gauche du 1er C.A.,dans la direction d'Etain. Au sud de la Woëvre,le 12e C.A. atteint ses cantonnements de rassemblement.
2 avril 1915
Le général Dubail fait remarquer au général en Chef que les allemands sont surpris par nos attaques au sud de Thiaucourt et qu'ils prennent des renforts un peu partout. C'est ainsi qu'ils font venir,pour leurs contre-attaques,le 58e Ersatz-Bat (10e D.I.),de Nonsard,et un bataillon au moins du 7e Bavarois (3e C.A. bavarois). Un groupe d'avions,envoyé par le général Dubail,a bombardé Vigneulles dans la matinée. Ce groupe a découvert de nombreuses autos et trois trains.Enfin,le 32e C.A. signale,au nord de sa région,la valeur de cinq ou six trains arrêtés. Par une lettre personnelle et secrète, le Gal Dubail demande au général en Chef l'autorisation de disposer, vers le 06,du 17e C.A pour une manoeuvre sur Lamorville et Senonville. Si le général en Chef accepte ce plan,la manoeuvre comporterait trois temps :
- Attaque,par la droite de la 1ère Armée,sur Thiaucourt;
- Attaque,par la gauche,ou plus exactement par le détachement Gérard;direction générale sur la chaussée,
- Attaque d'une Division du 17e C.A. sur Lamorville,Senonville,avec intention décisive.
Ce matin,les avions allemands ont bombardé Sainte-Menehould, Dombasle et Commercy. Ils ont également bombardé Gérardmer et tué un aide-major. Une contre-attaque a été repoussée dans le bois Le Prêtre.
3 avril 1915
Dans la soirée du 3 avril, le CA commence son offensive sur Regniéville et le terrain compris entre ce village et Fey-en-Haye. Les 63e et 78e régiments d'infanterie progressent normalement.
Le Gal Dubail part pour la 73e DI où il trouve le général Riberpray à Maidières. Sa brigade ne doit attaquer le reste de la ligne des C qu'à 18heures30 (tandis qu'à sa gauche, le 12e CA ne prendra l'offensive que plus tard, vers 19 heures). Toutefois,la préparation d'artillerie commencera vers 14h30. A Mamey, les Allemands envoient une trentaine d'obus sur ce poste de commandement. Le Gal Dubail y retrouve le général Descoins commandant le 12e CA et le général Roques. Ils s'accordent pour reconnaître que l'heure tardive de l'attaque est justifiée car une fois l'objectif atteint, on profitera de la nuit pour se fortifier sur la position qui sera celle de départ de l'attaque principale.
Ce soir, le 12e CA doit s'emparer de la croupe au sud-est de Regniéville et du village lui-même. Demain, on cherchera à prendre Remenauville. La tâche est confiée au 107e. Le 29e a déjà, la nuit dernière, mis la main sur la croupe au sud-est de ce village. Enfin, le 5 vril sera le jour de l'offensive sur toute la ligne, y compris les 31e, 8e et 6e CA.
Parralélement, des ordres ont été donné pour faire bombarder aujourd'hui plusieurs gares et embranchements. Le mauvais temps a empêché l'accomplissement de ces missions au nord de Verdun. Seule la gare de Courcelles a reçu dix-huit obus, dont trois bien placé sur la voie. Les avions signalent une grande animation sur la voie entre Metz et Remilly (douze trains en marche dans les deux sens, à 18heures). Deux trains arrêtés en gare de Courcelles.
4 avril 1915
Hier soir, les opérations prévues à la droite de la 1ère Armée se sont déroulées normalement. A la nuit,le village de Regniéville a été occupé par cinq compagnies du 78e et une compagnie du génie qui s'y organisent. Les Allemands n'y avaient qu'un effectif restreint. La croupe cotée 323 (sud-est de Regniéville), est occupée par un bataillon du même 78e. De son côté,l e 29e RI a atteint son objectif au sud-est de Remenauville (cote 300,7). La 73e Division n'avait guère progressé, hier soir, du côté des 'C', mais elle s'est emparée, au contraire, d'une faible partie de la ligne des 'D'. L'attaque devait reprendre aujourd'hui sur les 'C', sous bois et par l'extérieur. Mais le général Roques a donné contre-ordre et remis à demain cette attaque pour la faire coïncider avec les autres.
L'attaque est continuée dans la journée du 4 avril sur Remenauville par les 29e et 300e régiments. Les troupes françaises se heurtent à des treillages verticaux, à des réseaux non détruits, à des trous de loup. Soumises à des feux violents, elles ne peuvent atteindre leurs objectifs. Elles s'accrochent au terrain et tentent d'investir Remenauville par le nord-est.
5 - 6 avril 1915
Situation du détachement Gérard :
5 avril : pluie et brume épaisse gênant le réglage de l'artillerie et la progression. Malgré le mauvais temps,l'attaque générale commence à 10 heures sur le front sud :
- Dans le bois le prêtre,la 73e D.I. ne peut progresser,
- Au N.E. de Regniéville,le 12e C.A. pénètre,sur un front de bataillon,dans la ligne principale de défense, en avant du bois le fossé,
- Au bois Mort-Mare,le 31e C.A.,après avoir pris pied à la lisière,est repoussé par une contre-attaque; mais, à 17 heures, l'attaque est reprise et nous nous rendons maître des tranchées
à la corne sud-est du bois,
- Plus à l'ouest,le 8e C.A. enlève trois lignes de tranchées et occupe la corne sud-ouest du bois d'Ailly ; il progresse également dans le bois Brûlé,
- Aux Eparges,le 6e C.A. s'empare de quelques éléments de la tranchée de la courtine et du bastion nord-est.
L'attaque générale est lancée. A la gauche du détachement Gérard, Gussainville est pris par un bataillon du 362e régiment d'infanterie. Un bataillon du 351e et le 56e BC enlèvent les hauteurs à l'est
de Gussainville. Le 164e RI conquiert, le 6 avril, les fermes du Haut-Bois et de L'Hôpital. Le 6e Corps, couvrant la droite de l'attaque principale, avait attaqué sur les Eparges. Les 106e et 132e RI font
quelques progrès dans la journée du 5. Des éléments du 67e RI et le 25e BC continuent l'attaque le 6 avril, mais sans résultats importants. Des contre attaques allemandes très puissantes nous
arrachent bientôt les points conquis.
Sur le front nord, l'attaque est retardée par le mauvais temps : la préparation commence vers 11 heures et l'infanterie se porte en avant à 14 heures :
- Les 1er et 2e CA s'emparent des tranchées à l'ouest et au nord-ouest de Maizeray (front de 2 Cies),au sud-ouest,de Pareid (front de 10 Cies),et au nord-ouest du bois de PAREID,
- Dans le même temps,les troupes de Verdun occupent Gussainville et hauteurs voisines et rectifient leur ligne d'avancée, entre Saint-Maurice et Haute-Charrière,par Fromezay.
L'attaque du centre est menée par le général Guillaumat avec le 1e Corps et la 4e division du 2e Corps. Contrariée par le mauvais temps qui succède le 5 avril à une période de beaux jours, l'attaque
ne peut être déclenchée qu'à 14 h15. Les troupes ont à franchir un glacis de 600 à 1200 mètres.
A l'attaque de gauche, le 73e RI est arrêté à 300 mètres des réseaux de fils de fer par les mitrailleuses de flanquement. Pourtant, à 22 heures, il parvient jusqu'au réseau. Les 127e et 43e RI s'emparent
d'une ligne de tranchées discontinues, mais, à cinquante mètres du bois de Pareid, ils sont arrêtés par des réseaux intacts. Enfin, les 147e et 91e RI prennent pied en face de Pareid et au nord de la
route de Metz, et s'installent sur le terrain conquis.
Ce demi-échec de l'offensive est dû au brouillard et à la pluie qui ont gêné les réglages de l'artillerie, à la boue compacte et glissante qui alourdit les fantassins, empêche le déplacement et l'installation rapide des batteries et diminue l'efficacité du tir, les obus éclatant mal dans ce terrain détrempé.
6 avril 1915
Les attaques reprennent. Au groupement Guillaumat, les 33e et 73e RI ne font que des progrès insignifiants, arrêtés par le mauvais temps. Au centre, bien que le 84e RI relève les bataillons les plus éprouvés des 43e et 127e RI, les réseaux non détruits arrêtent toute avance. Enfin, malgré un violent bombardement de Maizeray, la 4e division ne peut enlever le village. En aucun point, nous n'avons réussi à pénétrer dans la position ennemie. A 04 heures,contre-attaque allemande aux Eparges.
Le détachement Gérard n'a pas attaqué dans la nuit et dans la matinée. Les défenses accessoires sont encore intacts presque partout,malgré le feu de notre artillerie. De plus,on s'est aperçu que les tranchées occupées hier soir ne sont qu'une avant-ligne,précédant une autre ligne de tranchées. Le Gal Dubail préconise une autre préparation d'artillerie. Mais le terrain détrempé n'offre aucune stabilité aux pièces,qui se dépointent à chaque coup, et l'obus à fusée sans retard a peu d'action en terrain marécageux. Toute la matinée,la brume empêche le réglage. Les actions d'infanterie ne commencent qu'à partir de 17 heures. Seul le détachement de la place enlève les auteurs 221 (sud-ouest de Warcq) et 219 (ferme l'Hôpital).
Violents combats aux Eparges. Les positions sont tenues mais l'artillerie ne pouvait plus intervenir, les corps à corps se succédent à la baïonnette.
- Le 8e CA a progressé et des fractions ont même pu atteindre,sans s'y maintenir,la route d'Apremont,
- Le 31e CA a repris,un moment la lisière du bois de Mort-Mare,mais il en a été chassé de nouveau,
- Le 12e CA n'a pas attaqué,parce que les fils de fer au nord-est de Régnieville n'ont pas été détruits. La 73e D.I. ne progresse que légèrement.
- Des ordres sont donnés pour que le 8e et le 12e CA puissent attaquer à fond,
- Le 6e CA continue son action aux Eparges et donne la 67e D.I.,à la disposition de laquelle a été mis un groupe d'artillerie du 17e CA.
7 avril 1915

Il a plu toute la nuit. Au détachement Gérard, les attaques n'ont pas modifié sensiblement la situation. On a progressé que vers Pareid, où on a pris deux lignes de tranchées et où on est très près du village. A la 3ème Armée,on a perdu,de nouveau, cette nuit, l'ouvrage en V, au sud-ouest de Vauquois. A la 1ère Armée, de violentes contre-attaques ont été repoussées aux Eparges et au bois d'Ailly. Aux Eparges, l'attaque allemande a dépassé en violence tout ce qu'on avait vu à ce jour. Au bois d'Ailly,o n a repris la totalité des pertes de la veille.
A 10 heures, l'artillerie n'a pu faire que trois brèches. Son tir a d'abord été trop court : il a atteint nos propres tranchées que certaines unités ont dû évacuer ; puis, sur la plainte de l'infanterie, il est devenu trop long, constituant simplement une sorte de barrage en arrière des tranchées allemandes qui, d'ailleurs, sont couvertes. Dans la soirée,le Gal Gérard rend compte que ses progrès ont été insignifiants. La ligne de combat est arrêtée partout sous le feu des mitrailleuses, par des obstacles passifs que notre artillerie se montre impuissante à démolir. Pas une brèche n'a pu être faite, même par le 155 C.T.R. sauf sur le glacis 239 (sud-ouest de Marchéville). Cette impuissance tient à l'état du terrain détrempé, qui cause, au départ, de continuels dépointages et parfois le basculement des plates-formes. L'offensive dut être remise à 16h45.
Au 1er C.A, les mitrailleuses même doivent déplacées après chaque tir parce qu'elles s'enfoncent dans le sol. Enfin, les réseaux n'ont pu être coupés à la main, même avec des cisailles renforcées, en raison de la grosseur du fil de fer.
Dans ces conditions, le Gal Dubail renonce à l'offensive vers l'est, souhaite concentrer ses efforts sur le front Maizeray-Marchéville et conjuguer cette action avec l'effort sur les Eparges. Une action est également souhaitée sur la trouée de Chaillon, pour occuper au moins Lamorville et les bois au nord et tenir, sous le canon de campagne, le noeud de route de Varvinay. Il faut également continuer à pousser dans les bois d'Aily et Brûlé, sur le bois de Mort-Mare et surtout entre Remenauville et Fey-en-Haye.
Le Gal Dubail prescrit au Gal Gérard de mettre le 8e R.I à la disposition du Gal Herr, commandant le 6e C.A. pour appuyer l'attaque sur les Eparges.
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8 avril 1915 :
Ce matin,à 8h30,violente contre-attaque contre l'aile gauche du 8e C.A.,repoussée dans le bois d'Ailly,jusqu'à la croisée des chemins (corne nord-ouest). Elle est définitivement repoussée,vers 10 heures.
Situation du détachement Gérard :
- Au nord,le 1er C.A.,avec son artillerie de campagne et une artillerie lourde réduite,va continuer son offensive dès le 9 avril,
- Au sud,concentration des moyens d'action et du 2e C.A. sur le front Maizeray,Marchéville,de nombreuses pièces lourdes prépareront les attaques ; mais la construction des plates-formes ne
permettra l'exécution des attaques que vers le 12 ou le 13 avril,
- La division de Morlaincourt,avec ses propres moyens,continue,aujourd'hui,son offensive vers la cote 233,pour appuyer l'attaque sur les Eparges,
- Après avoir repoussé de violentes contre-attaques,la 12 D.I. s'empare de presque la totalité des Eparges,il ne reste plus à l'ennemi la pointe X du saillant est et une partie de la dernière tranchée,
Le 31e CA reprend les tranchées allemandes,qui sont à la lisière du bois de Mort-Mare,au nord-ouest de Flirey,et repousse cinq contre-attaques. Dans la nuit,la 1ére Armée fait connaître qu'on s'est organisé aux Eparges,après avoir repoussé deux nouvelles contre-attaques. Les tranchées sont encombrées de cadavres ennemis.
Au bois d'Ailly,il n'y a pas eu de contre-attaque à partir de 12 heures,mais le bombardement a été d'une violence extraordinaire. Le butin comprend 16 mitrailleuses,2 lance-bombes et des prisonniers.
Au bois Brûlé,les Allemands ont fait une série de contre-attaques et ont réussi à nous reprendre la partie droite de notre gain. Un nouvel effort de notre part,pour réoccuper cette fraction,n'a pas réussi.
Nous sommes maintenus au bois Mort-Mare,malgré une très forte contre-attaque,entre 18h30 et 19 heures. Aucune attaque d'infanterie au nord de Regniéville. La préparation d'artillerie a été reprise.
Forte cannonade dans le bois Le Prêtre toute la journée.
L'offensive est poursuivie sans résultats. Aux Eparges, l'ennemi fait affluer les réserves et contre-attaque constamment le 25e BC. Les 67e, 106e et 132e RI résistent, supportant un bombardement effroyable et s'élancent à l'assaut, arrachant chaque fois un peu de terrain à l'ennemi. Mais dans la soirée, le général Dubail se rend compte que l'attaque brusquée est devenue impossible. Les Allemands ont constitué dans cette région une organisation défensive très puissante; tranchées bétonnées, organes de flanquement blindés, lignes de tranchées successives et réseaux épais.
L'artillerie n'est pas en état de ruiner une pareille organisation. En conséquence, le Commandant en chef prescrit de passer à une attaque méthodique, mais puissante, afin de gagner du terrain partout où cela sera possible et de maintenir dans la région attaquée les réserves de l'ennemi. En même temps, un régiment du 1e Corps (le 8e RI) est mis à la disposition du 6e Corps pour donner une nouvelle vigueur aux attaques de la position des Eparges, où nous faisions des progrès constants.
9 avril 1915
Un bataillon du 8e RI, aidé des chasseurs du 25e bataillon, arrache définitivement aux Allemands la crête des Eparges et s'y maintient malgré les contre attaques, en faisant 175 prisonniers.
Le 6e C.A. perçoit 4 canons de 155 C.T.R. afin de lui permettre d'établir des feux de barrage sur les pentes sud-est des Eparges,que ne pourrait plus battre le 75. Cette action est nécessaire pour tenir les hauteurs et pour arrêter les contre-attaques au pied de la montée.
Prise de la forteresse des Eparges par le 6e C.A. (12e D.I.) dans les conditions les plus brillantes. Il a fallu multiplier les attaques et reprendre deux fois le saillent au nord-est,dans les tranchées encombrées de cadavres et dans des cloaques de boue tels qu'il a fallu repêcher des hommes littéralement enlisés.
Par contre,la 67e D.I.,après avoir pénétré avec six compagnies,dans le bois de Lamonville,n'a pu s'y maintenir. De même,échec de l'offensive au nord-est de Regniéville,malgré la vigueur des attaques.
L'organisation très solide de la ligne allemande et ses flanquements devront être détruits par l'artillerie lourde ; de plus,il faudra améliorer la base de départ qui n'est qu'une tranchée peu profonde faite la nuit précédente,à 250 mètres de l'ennemi.
Au Quart en Réserve,les Allemands parviennent à nous enlever deux blockhaus de la ligne C.
10 avril 1915
Au 1er Corps, les 13e, 27e et 134e RI enlèvent à l'ennemi une ligne de tranchées dans le bois d'Ailly, et lui infligent de lourdes pertes. Le général Gérard se décide alors à tenter une offensive nouvelle, en rétrécissant le front attaqué.
Le mauvais temps et l'état du terrain au nord de la Woëvre obligent le Gal Dubail à modifier son front d'attaque à la portion entre le nord-est de Maizeray et le mamelon 233 (sud-ouest de Marchéville), sur laquelle seront accumulées une centaines de pièces lourdes qui feront la préparation. La prise des Eparges doit être exploitée, en conjuguant l'offensive de ce côté avec la percée envisagée entre Maizeray et Saulx-en-Woëvre. Au sud de la Woëvre, après l'échec d'une offensive pour entrer dans les lignes allemandes au nord-est de Regniéville, une nouvelle préparation d'artillerie va reprendre son oeuvre de destruction. Il convient également d'améliorer la parallèle de départ qui n'était qu'une tranchée peu profonde. L'attaque y reprendra incessamment. Telle est la situation pour les pressions sur les extrémités de la hernie.
Dubail compte également exploiter plus près de Saint-Mihiel, le succès obtenu dans la corne-ouest du bois d'Ailly, en fixant comme objectif au général Blazer commandant la 15e Division, la partie dominante du terrain située à la lisière nord de ce bois, d'où nous menacerions Saint-Mihiel assez directement. Pour alimenter cette attaque, le général est disposé à fournir des troupes fraîches. Ainsi,le général Blazer a reçu deux bataillons frais et aujourd'hui, il recevra le 29e RI en entier.
Dans la journée d'hier, et au cours de la nuit, le feu de l'artillerie allemande a été tellement violent qu'il a complètement détruit les tranchées conquises dans les bois. On en a creusé de nouvelles plus en avant. Dès que le travail sera terminé, les attaques pourront reprendre. Les généraux Dubail et Roques envisagent d'appuyer cette attaque par un effort sérieux sur le bois Brûlé et le bois Jurat. Quant aux deux poussées intermédiaires, au nord sur le bois de Lamorville, au sud sur le bois de Mort-Mare, on va continuer la première. Voilà deux fois qu'on pénètre dans le bois et qu'on est repoussé, la troisième sera peut-être la bonne. Celle du bois Mort-Mare va subir un peu de retard en raison de la nécessité de réorganiser les unités et de se fortifier sur place.
En résumé, la pression à grande distance sur les flancs de l'ennemi est à échéance d'une semaine environ, tandis que la menace sur Saint-Mihiel peut-être d'une réalisation plus immédiate : il faut la tenter d'autant mieux que l'ennemi paraît avoir puisé des renforts dans le 3e Corps bavarois (on a signalé des éléments du 19e régiment bavarois au bois Mort-Mare).
A 14 heures, le général Herr rencontre Dubail pour lui parler de la situation de son Corps d'Armée (6e CA) et des opérations. Il demande un régiment frais pour relever les corps fatigués de la 12e Division et trois ou quatre jours de répit pour construire, jusqu'au pied des Eparges, une voie Decauville et établir des abris à l'épreuve des gros projectiles pour sa garnison des Eparges. Il reprendra ensuite l'attaque sur Combres par l'isthme qui relie les deux hauteurs. Le régiment et les délais lui sont accordés ; Dubail envisage même de lui fournir une brigade supplémentaire pour progresser ultérieurement le long des côtes de Meuse, s'il y a lieu d'accompagner le 2e C.A.
La 1ère Armée reprend,dans la soirée,ses attaques dans les conditions suivantes :
- La 73e DI s'empare des tranchées allemandes à l'extérieur du Quart-en-Réserve où elle prend une mitrailleuse et fait des prisonniers. Mais elle ne peut mordre sous le bois sur la ligne 'C'.
- Le 31e C.A. s'élargit à l'est sur la position conquise ; il s'établit d'abord à cheval sur la route de Flirey,Essey mais il perd son gain au cours de la nuit.
- Une brigade du 12e C.A. est envoyée en renfort du 31e Corps,qui commence à être épuisé.
- La 15e Division (8e C.A.),continue ses progrès dans la corne nord-ouest du bois d'Ailly. Elle enlève le point '5' et les tranchées '7' et '8'.
11 avril 1915
La journée est consacrée à la préparation de l'attaque du front Marcheville-Maizeray. L'artillerie exécute des tirs de destruction sur les réseaux, puis la 4e division lance trois attaques :
- à gauche, un bataillon du 120e RI, appuyé par trois compagnies du 8e BC, sur la croupe 225 au nord-est de Maizeray,
- au centre, un groupe franc de 90 hommes sur un blockhaus, à l'entrée de Maizeray,
- à droite, le 9e bataillon de chasseurs sur le saillant sud-ouest de Maizeray.
A l'attaque de gauche, un peloton parvient à franchir la brèche et saute dans la tranchée allemande, mais le reste du bataillon est cloué au pied des réseaux par des feux de mitrailleuses et de canons-revolvers. Au centre, le blockhaus paraissait détruit par l'artillerie, mais le groupe franc est arrêté par des feux de mitrailleuses. L'attaque de droite, partie vingt minutes en retard par suite de la rupture des communications téléphoniques, est prise à partie dès sa sortie par les mitrailleuses et les canons-revolvers, et le 9e bataillon de chasseurs doit rétrograder dans ses tranchées de départ.
A la 3e division, l'attaque est menée par le 51e RI qui marche par bataillons accolés sur Marcheville et les hauteurs bordant le Longeau au nord-ouest. La première vague d'assaut est prise sous un formidable tir de barrage. Atteints par des coups trop courts de 75, nos fantassins doivent se terrer. Leur progression est impossible. La division de Morlaincourt attaque la croupe 233 avec deux bataillons des 165e et 364e RI. Le bataillon du 165e est arrêté par des mitrailleuses en action dans les vergers de Marcheville. A sa droite, le bataillon du 364 parvient jusqu'au réseau, sans pouvoir le franchir.
Des tentatives sont répétées toute la journée avec appui de l'artillerie. Elles n'obtiennent aucun résultat et accroissent nos pertes. Le général Gérard n'arrête pas encore l'opération. Le général Chrétien, commandant de la 3e division, devra emporter les tranchées et les entonnoirs au nord de Marcheville.
Le général Gérard poursuit la réalisation de ses dispositions nouvelles, en vue de l'effort qu'il doit concentrer sur le front Maizeray,Marchéville. Il sera près demain s'il a reçu des munitions. Dubail décide ne pas le presser en raison du temps abominable qu'il fait et du répit nécessaire au 6e CA pour reprendre l'attaque sur Combres. Le général ne se dissimule pas les difficultés qu'éprouvent les forces françaises. Si nous arrivons à mordre dans le front de l'ennemi, il faudra pousser au delà du ruisseau du Longeau qui est sorti de son lit. Aussi compte t-il, dès que nous serons maîtres de 233, faire tomber le point d'appui de Saulx-en-Wöevre, en le prenant de flanc à la fois du nord-est (cote 233) et du sud-ouest (hauteur des Eparges).
Une fois Saulx en notre pouvoir et Combres tombé, Dubail compte pousser par le pied des côtes entre ces deux points et s'établir à hauteur d'Herbeuville entre 237 et 230. Dès ce moment,il pourra amener de l'artillerie qui tiendra sous son feu, entre 5 et 6 kilomètres, la route de Woël à Saint-Maurice, résultat déjà fort appréciable en attendant que le gros du 1er CA puisse franchir la vallée du Longeau.
Aussi, Dubail a l'intention de pousser ferme avec le 8e Corps (15e Division) qui paraît en état de progresser. C'est d'une réalisation plus immédiate que ce qui précède. Aussi, il compte s'entretenir avec les généraux Roques et Herr à Génicourt. A 15h30,Dubail s'entretient avec les généraux Herr et Marabail. Il est question de la situation du 6e CA et notamment de la 67e Division, des attaques que cette Division a faites dernièrement sur le bois de Larmorville. Il n'y aura pas lieu de renouveler, au moins dans les mêmes conditions, de la continuation de l'offensive sur les hauteurs de Combres.
A 16 heures, Dubail s'entretient avec le général Roques et tout de suite, lui parle de ses projets d'attaque, de son désir de pousser à fond sur le bois d'Ailly et le bois de Mort-Mare où se révèlent des points faibles de l'ennemi. Il promet au général Roques de l'appuyer en lui donnant des renforts et ils tombent tous deux d'accord sur la nécessité d'attaquer sans répit.
Le détachement Gérard va lui-même attaquer incessamment, puisqu'il sera prêt à partir de demain et qu'il sera soutenu par le 6e CA. En rentrant à son Q.G, à 19 heures, Dubail trouve un télégramme chiffré du général Gérard : il est prêt et commencera dès demain, si le temps le permet, la préparation par l'artillerie. Autrement, ce sera pour l'après-midi.
Le sort en est jeté : l'attaque de demain portera donc sur trois points
-Au nord sur Maizeray,Marchéville,
-Au sud,sur le bois d'Ailly et sur le bois de Mort-Mare.
12 avril 1915
Dans la nuit, les patrouilles vont reconnaître l'état des fils de fer et des parapets ennemis. La préparation d'artillerie a lieu dans des conditions satisfaisantes, et à 15 heures l'attaque est lancée. Les 51e et 87e RI parviennent jusqu'aux réseaux. Un bataillon pénètre même dans les tranchées allemandes, mais il en est chassé par une très forte contre-attaque. Au nord de Maizeray, la 4e division, qui avait tenté une diversion, ne peut prendre pied dans les retranchements ennemis ; il en est de même à la division de marche de Morlaincourt. Nos pertes sont lourdes. Nos forces sont arrêtées. Les brèches sont insuffisantes et les feux de flanquement de notre propre artillerie n'assurent pas un appui satisfaisant.
Le détachement Gérard attaque sur le front cote 225 (nord-est de Maizeray) et cote 233 (sud ouest de Marchéville). La préparation de l'artillerie a commencé dès l'aube et, vers 10h30, les attaques d'infanterie sont déclenchées. Malgré la bravoure des troupes, nous nous heurtons presque partout à une organisation que le tir d'artillerie n'a pas détruite et dont tous les flanquements sont intacts (dix mitrailleuses sous abris bétonnés). On s'approche, en beaucoup de point, jusqu'aux fils de fer rompus ou non, sans pouvoir pénétrer dans la position ennemie.
Pendant la nuit, on va chercher à prendre pied, sur certains points, dans les tranchées allemandes principalement au nord-est de Marchéville. En tout cas, Dubail prescrit au général Gérard de ne pas recommencer les attaques demain sans une nouvelle préparation d'artillerie, en concentrant notamment ses efforts sur les tranchées au nord-est de Marchéville. Dans la soirée, à 18h30, on signale l'arrivée à Villers-sur-Pareid et à Pareid, de deux colonnes d'infanterie de 1500 mètres de longueurs chacune. L'artillerie les prend immédiatement sous son feu.
Ce matin,aux Eparges,une contre-attaque allemande sur la partie centrale de la hauteur,a été facilement repoussée,à 4h30. Pendant la nuit,les Allemands ont fait exploser une mine sous le saillant nord-est (quatre morts,mais aucun autre résultat). Le coup, d'ailleurs, était prévu par le général Herr qui en avait parler la veille et qui devait y parer en préparant lui-même un camouflet. Il a été devancé.
14 avril 1915
Le général Gérard émettait-il l'avis d'adopter désormais une attitude d'offensive puissante, mais très méthodique et pied à pied. Le général Dubail d'abord, le Général commandant en chef ensuite, étaient d'un avis analogue, et, le 14 avril, l'offensive cessait.
Aucun résultat n'a été obtenu cette nuit. Au détachement Gérard, on recommence la préparation d'artillerie sur Marchéville. Si la préparation ne donne pas la certitude complète du succès, l'attaque d'infanterie pourrait être retardée ou remise à un autre jour. Le 8e CA doit attaquer dans le bois d'Ailly pour élargir, vers la droite, la base déjà conquise. Le général Roques aurai voulu, dans des opérations ultérieures, s'étendre jusqu'à la Tête-de-Vache (bois d'Apremont). Il demande pour cela une division de renfort. Dubail lui envoie une brigade et un groupe du 17e CA, mais en précisant que c'est spécialement pour pousser au bois d'Ailly.
La 1ère Armée attaque également au bois de Mort-Mare où elle a mis en ligne un régiment de la brigade du 12e CA. L'attaque du détachement Gérard a été déclenchée après préparation à 15 heures : elle vise principalement les tranchées au nord de Marchéville. Un bataillon a pu entrer dans les tranchées, mais a dû céder devant une très forte contre-attaque. Un autre, plus à gauche, a progressé jusqu'aux fils de fer où il s'est maintenu. Au nord de Maizeray, on a simplement gagner du terrain. Les positions ennemies sont trop fortement organisées. Il faut abandonner l'attaque brusquée de ce côté et en revenir à une progression plus minutieuse encore. C'est l'avis du général en Chef.
Un corps d'Armée et les éléments du corps de cavalerie sont donc retirés du nord de la Woëvre. Le détachement Gérard est réorganisé. Les 2e et 6e CA sont placés sous les ordres de ce général alors que la Division Morlaincourt et les troupes territoriales de ce front sont placées sous les ordres du général Roques. Les opérations méthodiques, prévues par le général Dubail, consisteront à s'emparer de la base de Marchéville, Combres pour progresser ensuite vers le front Saint-Maurice, Woël.
Objectifs à atteindre successivement :
- d'abord la ride du terrain entre Herbeuville et Saint-Hilaire,
- ensuite la ride entre Hannonville et la cote 219 (est de Wadonville).
Dès que le premier de ces objectifs sera atteint, on tiendra sous le canon (à 5 ou 6 kilomètres),l a route de Saint-Maurice à Woël, qui est une des voies de ravitaillement de l'ennemi. Mais en même temps, on poursuivra sans relâche les attaques au sud sur le bois d'Ailly, le bois de Mort-Mare et le nord-est de Regniéville qui sont des points faibles sur lesquelles il faut frapper.
On a fait des progès au bois d'Ailly, dans la partie orientale, où on s'est avancé d'une centaine de mètres sur 400 mètres de front. De même, au bois de Mort-Mare, on est maintenant à cheval sur la route de Flirey à Essey. De nombreuses contre-attaques sont repoussées sur tous ces points, ainsi qu'aux Eparges. Deux avions allemands ont été abattus : l'un près de Verdun, l'autre près de Croix-Mare.
14 avril 1915
Par le biais d'un télégramme chiffré, Dubail reçoit des instructions nouvelles du général en Chef qui l'obligent à modifier ses projets. En résumé,il approuve les dispositions et la progression méthodique que Dubail préconise pour l'attaque du nord, mais le 2e Corps doit suffire à cette tâche. Vers le sud, l'attaque au nord-est de Regniéville sur Thiaucourt demeure la principale. Celle du bois d'Ailly pourra être continuée comme attaque secondaire. Enfin, devant le bois de Mort-Mare, il sera suffisant de consolider les progrès réalisés.
Comme conséquence, on laisse au général Dubail les 2e et 12e CA qu'il passe à la 1ère Armée et on lui reprend les 1er et 17 CA ainsi que le Corps de cavalerie moins sa 3e Division. Dubail regrette vivement ce changement de situation, notamment en ce qui concerne les attaques dans le bois d'Ailly et sur le bois de Mort-Mare qu'il aurait fallu pouvoir alimenter. La première surtout lui paraissait de nature à faire peut-être tomber Saint-Mihiel. Mais il aurait fallu lui laisser une division de plus.
Violent bombardement aux Eparges toute la journée. A l'ouest du bois Le Prêtre, la 73e a été arrêtée dans ses attaques par un feu violent de mousqueterie et d'artillerie. L'ennemi, qui a voulu contre-attaquer, a été à sont tour arrêté net par notre feu. Nouvelle attaque de l'ennemi pendant la nuit,sur le Quart-en-Réserve. Elle est repoussé et nous faisons des prisonniers.
Si les opérations de Woëvre n'ont pas donné les résultats escomptés, elles ont exercé une heureuse influence sur la situation générale, en inquiétant l'adversaire et en lui faisant subir des pertes graves. D'autre part, cette offensive a confirmé l'absolue nécessité de la préparation méthodique et puissante des attaques.
Source : http://chtimiste.com/batailles1418/1915 ... e_en_avril
La Grande Guerre racontée par nos généraux.
Journal de campagne du Général DUBAIL (Vol 02)
Les Armées françaises dans la Grande Guerre.
Dossier réalisé par : stefbreizh56, jmm, Armand, Louis