Bonjour à tous,
Rencontre avec un sous-marin le 4 Septembre 1917
Navire armé d’un canon de 90 mm avec frein sur pivot central à l’arrière et d’un canon de 47 mm modèle 1883 sans frein à l’avant. (Tiré 3 coups du 90 et 1 coup du 47.)
65 hommes d’équipage
Embarcations et radeaux prévus pour 921 passagers
1100 ceintures de sauvetage à bord
Exercice d’évacuation au départ de Marseille
Fermé cloisons étanches et disposé les manches à incendie au moment de l’attaque
Préparation d’un stock de charbon spécial pour pouvoir augmenter la vitesse.
Fonctionnement normal du poste TSF principal et du poste de secours.
Rapport du capitaine
Quitté Marseille pour Alger le 3 Septembre 1917 à 17h30 avec 685 tonnes de marchandises, 873 futs vides, 17 chevaux, 21 vaches, 642 passagers, colis postaux et dépêches. Suivi les instructions recommandées par beau temps, en faisant des abattées irrégulières sur la droite et sur la gauche.
Le 4 à 12h30, rencontré NIEVRE à 1 mille par tribord. Les hommes de veille sont à leur poste, ainsi que l’armement des pièces.
A 13h27, l’homme de veille de la hune de misaine signale un navire à 60° sur bâbord avant. Examiné ce bateau de forme bizarre et reconnu un sous-marin de la plus belle taille à 7000 m de distance. Commandé à l’homme de barre « Toute à droite » et fait le signal convenu pour le poste de combat en donnant l’ordre de hisser les couleurs.
Position 39°10 N 06°10 E
Dès que le sous-marin aperçoit notre changement de route, il tire un premier obus qui tombe à 150 m sur bâbord. Répondu aussitôt Par le feu de notre artillerie et, continuant notre abattée, pris le sous-marin droit sur l’arrière. L’allure de la machine a été augmentée et atteint son maximum. Le sous-marin met le cap sur nous et continue à nous canonner avec ses deux pièces. Les obus tombent assez près sur l’arrière. Allongé notre tir jusqu’à 7000 m et fait des abattées sur la droite et sur la gauche pour dérégler celui de l’ennemi, en tâchant de venir plus sur la gauche de manière à nous placer dans le soleil par rapport au sous-marin. Notre tir étant court et la distance entre le sous-marin et nous semblant augmenter, fait cesser le feu pendant que l’adversaire, au contraire, précipite son tir, puis le ralentit pour cesser à son tour à 14h10 après nous avoir envoyé entre 25 et 28 obus.
Il continue à nous poursuivre avec des alternatives de gain et de recul. Nous marchions 14 nœuds et à partir de 14h45 la distance entre nous et le sous-marin paraît augmenter de manière continue jusqu’à 15h15, heure à laquelle nous l’avons perdu de vue à la position 39°22 N et 05°22 E.
Dès l’attaque, lancé le Allo avec notre position, notre vitesse et notre route et fait de même toutes les heures. Le poste de Spérone a répondu aussitôt, ainsi que deux patrouilleurs vers lesquels j’ai pu me diriger.
Dès le début du combat, le commandant d’armes est venu sur la passerelle se mettre à ma disposition pour l’exécution des ordres qui lui avaient été donnés au départ de Marseille. La conduite de l’équipage a été au dessus de tout éloge. Chacun s’est rendu à son poste avec le même calme que s’il s’agissait d’un exercice.
Je tiens à signaler tout particulièrement la conduite exemplaire du 2e capitaine, Monsieur ROUQUETTE Pierre qui dès le début et pendant toute la durée de l’action a su par son sang froid et son abnégation tranquilliser tout le monde, éviter une panique et assurer le maintien de l’ordre général à bord.
Le capitaine Coste cite ensuite tous les officiers et nombre d’hommes d’équipage pour lesquels il demande une récompense.
Rapport de la Commission d’enquête
Celle-ci reprend tous les éléments du rapport du capitaine et conclut :
- Le capitaine Coste a suivi les instructions qui lui ont été données à Marseille.
- Il a fait preuve de jugement et de sens marin en plaçant son navire dans le soleil par rapport à son assaillant, manœuvre d’autant plus judicieuse que le paquebot avait à son bord des tonnes de matières explosives.
- Il a agi sainement en faisant cesser le feu de son artillerie quand il s’est rendu compte de son inefficacité en raison de la distance.
- Toutes les mesures de sécurité contre une voie d’eau ou un incendie ont été prises à bord par le 2e capitaine et l’ordre et la discipline n’ont cessé de régner.
- Le bâtiment a pu donner presque immédiatement sa vitesse maximum grâce aux précautions ordonnées par le chef mécanicien et à l’autorité de cet officier sur son personnel.
- L’artillerie a pu être utilisée sur le champ, toutes les dispositions nécessaires étant prises à l’avance.
En conséquence, la commission estime que le capitaine COSTE est apte à continuer son commandement ou à en exercer un autre.
Note du CA Commandant Marine Marseille au Ministre 20 Septembre 1917
J’ai l’honneur de vous transmettre les propositions suivantes :
- Capitaine COSTE CLC Agde 216
Le capitaine Coste a manœuvré judicieusement et a su limiter le tir à ce qui était strictement indispensable avec sang froid. Le bon ordre qui a régné à son bord pendant l’action montre que le capitaine avait son personnel bien en main et qu’il inspirait confiance à tous. Enfin, pour rallier Alger après cette rencontre, il a manœuvré avec habileté et décision, ayant perdu peu de temps à cet effet.
Cet officier de la Marine Marchande commande le MANOUBA depuis plus de 6 ans et effectue les transports Marseille-Alger et retour une fois par semaine. Je n’ai qu’à me louer de lui pour la manière dont il comprend et exécute les instructions qui lui sont données. Enfin, il est très aimé du public algérien et très apprécié dans sa compagnie dont un administrateur est venu le recommander à mon intention.
Pour toutes ces raisons, tenant compte du nombre considérable de passagers militaires dont il a assuré le transport entre Alger et la métropole, et du fait que dans des circonstances analogues, le commandant du LA MARSA, (Nota : le capitaine Size) a été décoré de la Légion d’Honneur, je crois répondre au sentiment général en le proposant pour cette distinction et une citation à l’Ordre de l’Armée.
Le Contre Amiral propose ensuite des récompenses pour nombre d’officiers et de marins. Il termine en signalant :
MANOUBA n’est armé que d’un canon de 90 à l’arrière et d’un 47 à l’avant. Il serait très désirable qu’il reçoive le plus tôt possible une 2e pièce de 90 mm à l’arrière et une 3e à l’avant. Ce paquebot peut transporter un nombre considérable de passagers. Il a eu à son bord jusqu’à 870 militaires pour une traversée Alger – Marseille en Août 1916. Une seule pièce est bien peu pour défendre un tel chargement, d’autant plus qu’elle pourrait être paralysée ou enrayée après quelques coups.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Division
COSTE Alphonse Lieutenant de Vaisseau auxiliaire. Agde 216
Pour les qualités de commandement et d’énergie dont il a fait preuve en réussissant à échapper à une attaque de sous-marin
Citation à l’Ordre de la Brigade
ROUQUETTE Pierre CLC 2e capitaine Narbonne 81 (Déjà cité à l’Ordre de la Brigade le 13 Janvier 1917)
FIGARELLA Elysée Maître d’équipage Bastia 35
CAMOIN Jean Chef Mécanicien Marseille 3919
Pour le sang froid, l’énergie et le dévouement dont ils ont fait preuve lors de l’attaque de leur navire par un sous-marin.
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
GENTILE Joseph Lieutenant Marseille 766
LEGIER Louis 2e mécanicien Marseille 8321
CASALONGA Raymond 3e mécanicien Bastia 759
SILVY Maximilien TSF La Ciotat 1296
LE PALABRE QM Canonnier 95871.2
PARCE Joseph Matelot fusilier Port Vendres 504
LOZACH Vincent Fusilier breveté 106351.2
ORSETTI Dominique Matelot Bastia 2597
MARIOTTI Pierre Matelot Port Vendres 1151
DARY Thomas Matelot Bastia 3834
LEYDET Antoine Matelot Agde 451
FRANCESCHET Dominique 1er chauffeur Bastia 2422
BRUNET André 1er chauffeur Narbonne 435
GALLIANA René Chauffeur Alger 2001
BERCET Auguste Soutier Sujet suisse
Pour leur énergique attitude au feu lors d’une attaque de leur navire par un sous-marin.
Paquebot MANOUBA
Pour l’énergie et l’entrain dont chacun a fait preuve lors de l’attaque de ce paquebot par un sous-marin le 4 Septembre 1917.
Signé : CA SALAUN
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié.
Peut-être l’U 34 du Kptlt Johannes KLASING, mais sans certitude…
Toutefois, si c’est bien l’U 34, on notera que c’était la 2e fois, à un an d’intervalle, qu’il croisait la route de ce sous-marin déjà rencontré le 1er Septembre 1916 sous les ordres de Klaus RÜCKER.
Cdlt