JEAN trois-mâts barque
Lancé en Janvier 1902 aux chantiers de la Loire de Saint Nazaire pour l’armateur Ehrenberg, de Paris, et tout d’abord immatriculé au Havre.
Navire perfectionné, muni de passerelles doubles, d’un château central à claire voie, de cabestans et de treuils de dunette, de stoppeurs d’écoute et de winch de râtelier pour les petites drisses.
Caractéristiques
3000 tpl 2207 tx JB 1943 tx JN
Pris au neuvage par le capitaine Le Gall, qui le garda jusqu’en 1908, date de sa vente à la Société des Armateurs Nantais.
Une anecdote le concernant :
Vers 1908, le JEAN fut envoyé charger du blé dans une baie perdue de la côte ouest australienne, au wharf de Port Victoria, où venaient les goélettes de cabotage chargeant ce blé en divers point de la côte.
Le capitaine du JEAN ne trouva là qu’un homme faisant office de capitaine du port, douanier, gardien…etc et qui n’avait jamais entendu parler du trois-mâts. Inquiet, il télégraphia à son agent à Newcastle qui lui apprit que les deux goélettes attendues s’étaient perdues et qu’il fallait en attendre d’autres. Des hommes désertèrent, et le capitaine dut aller en char à banc jusqu’à Adélaïde recruter des remplaçants qui, n’ayant jamais vu un navire de leur vie, se révélèrent des marins pitoyables.
Le JEAN mit 40 jours à charger et, dans ces eaux chaudes, la carène se couvrit de végétation marine, algues et berniques. Quand le navire, lourdement chargé, sortit du golfe, on constata une vitesse très faible et surtout qu’il gouvernait très mal par gros temps et plus du tout par petit temps.
Au cap Horn, le JEAN essuya un formidable ouragan. Fuyant sous sa misaine, 4 huniers et un petit foc, il disparaissait complètement sous les lames. Refusant d’obéir au gouvernail, il tomba en travers et toutes les voiles furent arrachées à l’exception du grand volant. Le capitaine orienta le grand phare pour se mettre en cape mais, lors d’un violent coup de roulis le chargement ripa, le navire se coucha et resta engagé, logements pleins d’eau et panneaux de cale à demi sous l’eau.
Pendant deux jours les hommes transportèrent du chargement d’un bord sur l’autre pour redresser le navire, ayant filé une aussière de remorque pour le faire mieux gouverner.
Arrivant au large du Horn, ils aperçurent Diego Ramirez droit sur l’avant, dans une trouée de brume, à quelques milles. Gouvernant mal, le courant portant sur les îles, ils maillèrent alors la remorque sur une ancre à jet, prêts à mouiller par des fonds de 150 m pour éviter de se fracasser sur l’île du sud. Alors que l’île était à une portée de fusil, il parvinrent à s’écarter suffisamment pour éviter les récifs.
A l’arrivée en Manche, des semaines plus tard, un remorqueur hollandais trainant un cuirassé désaffecté qui ne portait aucun feu, lui coupa la route. Le JEAN s’en sortit de justesse, le cuirassé passant à ranger le voilier et la remorque raguant toute la carène.
Il ne faut pas s’étonner si les capitaines vieillissaient de plusieurs années au cours de tels voyages !
Voici un tableau le montrant dans l’ouragan, la voilure en lambeaux.

La perte du JEAN
Extrait du rôle
Rôle bureau tenant lieu de rôle bord, celui-ci ayant été confisqué avec tous les papiers lors de la capture du navire.
Trois-mâts JEAN immatriculé au Havre n° 719.
Armé au long cours à Nantes en date du 21 Février 1914 par la Société des Armateurs Nantais.
Allant à Pisagua et Antofagasta via Port Talbot.
Capitaine Joseph DILLINGER CLC né le 29/09/1884 à Redon Inscrit à Nantes domicilié à Nantes
10 avenue de Launay
Second Louis YVETOT OMM né le 03/02/1882 à Longueville Inscrit à Granville domicilié à Granville
90 rue des Juifs
Lieutenant Joseph CREMON LLC né le 12/04/1891 à Dorat Inscrit à Nantes domicilié à Dorat
« Le trois-mâts JEAN a été capturé le 11 Décembre 1914 par le PRINCE EITEL FRIEDRICH, croiseur allemand, et coulé le 31 Décembre 1914 à 1 mille environ de l’ile de Pâques.
L’équipage, composé de 23 hommes a été débarqué sur l’ile le 31/12/1914.
Seize hommes ont été rapatriés par le vapeur HAITI, sur Bordeaux. »
D’après le rôle, vingt et un marins sur vingt trois sont rentrés en France au cours de l’année 1915 et ont reçu leur salaire le 4 Janvier 1916.
Il semblerait que deux n’aient jamais été payés : le commandant et le second capitaine.
Selon Louis Lacroix, le capitaine Dillinger a refusé d’être rapatrié et est demeuré dans l’ile de Pâques où il a épousé la fille d’un chef influent de l’ile.
Rien n’est indiqué en ce qui concerne le second capitaine Yvetot.
Récit des marins
Parti de Port Talbot avec une cargaison de charbon, le JEAN avait relâché 3 mois à Montevideo. Le 21 Décembre, remontant le long de la côte chilienne,loin au large, il fut aperçu par croiseur PRINZ EITEL FRIEDRICH.
N’ayant aucun moyen de résister, le JEAN amena son pavillon et un équipage de prise fut mis à bord.
Le 23 Décembre, sous la conduite de l’officier allemand de prise, le JEAN mouilla dans la baie de Cook, à l’ile de Pâques. Le transfert du charbon sur le croiseur corsaire, difficile en raison du roulis continuel, commença le 24 et fut terminé le 31 Décembre.
Entre temps, le corsaire avait arraisonné le trois-mâts anglais KILDALTON.
Dans l’après midi du 31 les équipages français et anglais furent mis à terre à l’ile de Pâques. Le JEAN fut alors coulé avec des explosifs, et le corsaire quitta l’ile le 6 Janvier.
Les deux équipages demeurèrent dans l’ile jusqu’au 18 Février, date à laquelle ils furent recueillis par un vapeur anglais de passage, le SKERRIES. Puis un vapeur suédois, le NORDIE, les déposa à Panama.
De Panama, certains regagnèrent la France sur le HAITI et d’autres sur le S/S VENEZUELA.
Le navire attaquant
C'était le PRINZ EITEL FRIEDRICH, un croiseur de l’escadre du Pacifique de l’Amiral von Spee. (voir fiche du PIERRE LOTI)
Ce croiseur captura aussi le VALENTINE et le JACOBSEN.
Cdlt
Olivier