Le titre fait "hors sujet" mais le rédacteur de ce manuscrit était EV de réserve et le début du cahier comporte plusieurs noms de navire. Je retranscris ci-dessous le début "naval" du cahier.
Sidi-Abdallah 28 octbre 1917
<<Commandant en chef à Commandant "Béhir" :
Débarquez et dirigez immédiatement sur Corfou Enseigne-de-vaisseau Phérivong. Dès son arrivée cet officier viendra prendre les ordres du G.E.G.>>
Ce télégramme me surprit au moment où je me disposais à descendre la coupée pour prendre le train qui chaque soir conduisait à Bizerte ces "messieurs de l'Arsenal".
Le Commandant était à bord ; il me fit appeler me montra le télégramme et me dit : Le Numidia, courrier d'escadre qui se rend à Corfou passe justement ici demain ; il faudra être prêt pour partir pour midi.>>
En grommelant je regagnai ma cabine. J'étais furieux ; ce soir-là j'avais précisément rendez-vous avec quelques camarades pour fêter je ne sais plus quoi. De plus j'avais une sainte terreur de l'Armée Navale et la perspective d'embarquer sur un (gros cul) (cuirassé) ne me donnait pas des idées gaies.
<< Timonnier, allez me chercher ma malle qui se trouve dans la soute arrière>> Au bout d'un instant le timonnier revient : << Lieutenant, votre malle a été écrasée elle ne peut plus servir.>>
<< Bon sang ; dis vite au charpentier de m'en confectionner une, il me la faut dans une heure.>>
Ma soirée se passa à faire mes bagages et le lendemain à midi je partais sur le "Numidia".
Deux jours après j'arrivais à Corfou ayant essuyé un bon coup de mistral.
Aussitôt le courrier mouillé je me fis conduire à bord de la "Provence" qui battait pavillon du G.E.G.
Le chef d'Etat-Major me reçut très aimablement et me dit :
<<C'est vous l'Enseigne de Vaisseau Phérivong? Vous êtes désigné par le Commandant en Chef pour une mission de confiance en Syrie. Vous partirez pour Port-Saïd par la première occasion. Dès votre arrivée vous irez vous mettre aux ordres de l'Amiral Varney commandant la division de Syrie. En attendant vous allez prendre subsistance sur le stationnaire "Tourville".>>
Le coeur plus léger je me rendis à bord du "Trouville". Dix jours après j'y étais encore. Je me décidai à retourner voir si le Chef d'Etat-Major ne m'avait pas oublié. Je fus assez mal reçu.
<< Comment, vous êtes encore là! Il y a eu dix occasions pour Port-Saïd et l'Amiral Varney, qui vous réclame d'urgence! ... Vous partires demain matin, à cinq heures, par la "Linotte" qui se rend à Milo ; de là, il y a quotidiennement des bateaux qui vont en Egypte.>>
Je fis une traversée délicieuse à travers les iles Grecques ; nous passâmes par Patras et le canal de Corinthe. Après nous être échoués puis renfloués nous arrivâmes à Milo.
Le surledemain je prenais passage à bord du "Warrior" pétrolier anglais.
Après une traversée insipide avec ces anglais qui ne m'adressaient pas la parole, qui s'ennivraient dans leur cabine et ne me donnaient que de l'eau, j'arrivais à Alexandrie.
Très jolie ville, hospitalière, où la langue française est encore très répandue. Conquis par l'aspect gai des rues, je décidai de m'accorder une petite permission.
Après quelques jours passés de la manière la plus agréable (1) songeant à repartir je fus voir le consul.
Dès le lendemain matin je pris le train et à quatorze heures j'arrivais à Port-Saïd. Aussitôt sorti de la gare j'allais voir le Chef d'Etat-Major de l'Amiral Varney qui me reçut ainsi : << Ah! Enfin! Vous voilà! Depuis un mois le G.E.G. nous a annoncé votre arrivée ; qu'avez-vous bien pu foutre en route?>>
Après cette petite entrée en matière le Commandant Hamon devint charmant << Vous n'êtes pas encore rendu, me dit-il, le "Nord-Caper" qui part après-demain vous conduira à destination.>>
<< Puis-je vous demadner à quel endroit vous m'envoyez?>>
<< Vous allez à Ronad.>>
Ronad! Cela ne me disait rien du tout. Le Commandant Hamon prit une carte de la Syrie, et posant son crayon à quelques milles dans le nord de Tripoli : << C'est ici ....... Ronad est un rocher isolé situé à 3 milles de la côte ennemie.>>
<< Que vais-je faire sur cette île, Commandant?>>
<< Le Gouverneur de Ronad vous le dira.>>
Je ne pus en savoir davantage, et, très intrigué j'allai m'installer pour quelques jours à bord du cuirassé "Jauréguiberry" qui servait de dépôt à Port-Saïd.
(1) Je m'aperçus oh terreur!! que mon portefeuille était complètement vide et qu'il me fallait cependant payer mon hôtel et gagner Port-Saïd par chemin de fer. Un marin ne doit jamais être embarrassé. Je fus trouver le consul et lui exposai la situation. Il rit un peu et m'avança les quelques livres nécessaires.
./
Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
- IM Louis Jean
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Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
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- IM Louis Jean
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Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Désolé pour les fautes de frappe!
Pour en rajouter ... je me suis trompé à la lecture du manuscrit : il faut lire Ile Rouad!
http://www.coppoweb.com/merson/etranger/fr.me_rou.php
Pour en rajouter ... je me suis trompé à la lecture du manuscrit : il faut lire Ile Rouad!
http://www.coppoweb.com/merson/etranger/fr.me_rou.php
- IM Louis Jean
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Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Bonjour à tous,
Pour illustrer la retranscription du cahier de souvenirs je cherche tout renseignement sur le "Laborieux".
Ce que j'ai pêché sur internet me laisse perplexe! Dans les récits concernant le torpillage de l'Amiral Charner en 1916 le Laborieux est soit un chalutier soit un remorqueur (y compris sur le fil du forum). J'ai trouvé une référence sur un remorqueur/aviso/transport de l'état "Caudan" (les différentes dénominations sont reprises des cartes postales du site) qui est du même type que le "Buffle" et le "Laborieux" ... http://kaodan.info/?q=node/2.
Pour compliquer (ou éclairer???) le tout le Laborieux est décrit, à la date du 3 décembre 1917 dans le cahier, par le Commandant Trabaud comme << ancien yacht du Préfet Maritime de Brest>> ...
Le Laborieux ayant été utilisé au profit du Service de Renseignements de Port-Saïd, au moins en 1917 et 1918, pour la dépose et la récupération d'agents sur les côtes syriennes il n'a vraisemblablement pas eu les honneurs de "l'Illustration"! Toutefois toute iconographie antérieure ou postérieure à la guerre me conviendrait!! Par ailleurs, toujours d'après le cahier, il a participé à l'entrée triomphale dans le port de Beyrouth en compagnie du yacht "Ariane" de 6 torpilleurs d'escadre "Arbalette" (sic) "Pierrier" "Coutelas" "Hache" "Dard" "Cavalier" et des chalutiers "Maroc" "Nord-Caper" "Cordouan" et "Pensée"...cela n'a pas dû passer inaperçu et peut-être des photographies de l'évènement existent-elles?
Cordialement
Pour illustrer la retranscription du cahier de souvenirs je cherche tout renseignement sur le "Laborieux".
Ce que j'ai pêché sur internet me laisse perplexe! Dans les récits concernant le torpillage de l'Amiral Charner en 1916 le Laborieux est soit un chalutier soit un remorqueur (y compris sur le fil du forum). J'ai trouvé une référence sur un remorqueur/aviso/transport de l'état "Caudan" (les différentes dénominations sont reprises des cartes postales du site) qui est du même type que le "Buffle" et le "Laborieux" ... http://kaodan.info/?q=node/2.
Pour compliquer (ou éclairer???) le tout le Laborieux est décrit, à la date du 3 décembre 1917 dans le cahier, par le Commandant Trabaud comme << ancien yacht du Préfet Maritime de Brest>> ...
Le Laborieux ayant été utilisé au profit du Service de Renseignements de Port-Saïd, au moins en 1917 et 1918, pour la dépose et la récupération d'agents sur les côtes syriennes il n'a vraisemblablement pas eu les honneurs de "l'Illustration"! Toutefois toute iconographie antérieure ou postérieure à la guerre me conviendrait!! Par ailleurs, toujours d'après le cahier, il a participé à l'entrée triomphale dans le port de Beyrouth en compagnie du yacht "Ariane" de 6 torpilleurs d'escadre "Arbalette" (sic) "Pierrier" "Coutelas" "Hache" "Dard" "Cavalier" et des chalutiers "Maroc" "Nord-Caper" "Cordouan" et "Pensée"...cela n'a pas dû passer inaperçu et peut-être des photographies de l'évènement existent-elles?
Cordialement
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Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
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Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Bonjour "sesouvenir"...
La fiche du remorqueur "LABORIEUX" est réalisée ce jour...
Cordialement. Malou
La fiche du remorqueur "LABORIEUX" est réalisée ce jour...
Cordialement. Malou
Cordialement. Malou
Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Bonjour Sesouvenir,
Ainsi que l'a déjà précisé Malou, le sujet sur le Laborieux est ouvert ici :
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... 1815_1.htm
Par ailleurs, toujours d'après le cahier, il a participé à l'entrée triomphale dans le port de Beyrouth en compagnie du yacht "Ariane" de 6 torpilleurs d'escadre "Arbalette" (sic) "Pierrier" "Coutelas" "Hache" "Dard" "Cavalier" et des chalutiers "Maroc" "Nord-Caper" "Cordouan" et "Pensée"...cela n'a pas dû passer inaperçu et peut-être des photographies de l'évènement existent-elles?
Concernant ces autres bateaux, je vous invite à consulter leurs sujets respectifs dans la rubrique Marine :

Je ne crois pas en revanche que la Pensée y figure, de même que le Cordouan, sans garantie.
Nous serions heureux de connaitre la suite du récit...
Bien cordialement,
Franck
Ainsi que l'a déjà précisé Malou, le sujet sur le Laborieux est ouvert ici :
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... 1815_1.htm
Par ailleurs, toujours d'après le cahier, il a participé à l'entrée triomphale dans le port de Beyrouth en compagnie du yacht "Ariane" de 6 torpilleurs d'escadre "Arbalette" (sic) "Pierrier" "Coutelas" "Hache" "Dard" "Cavalier" et des chalutiers "Maroc" "Nord-Caper" "Cordouan" et "Pensée"...cela n'a pas dû passer inaperçu et peut-être des photographies de l'évènement existent-elles?
Concernant ces autres bateaux, je vous invite à consulter leurs sujets respectifs dans la rubrique Marine :

Je ne crois pas en revanche que la Pensée y figure, de même que le Cordouan, sans garantie.
Nous serions heureux de connaitre la suite du récit...

Bien cordialement,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
- IM Louis Jean
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- Inscription : dim. mars 22, 2009 1:00 am
Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Bonjour à tous,
Comme il s'agit de marins n'appartenant pas au Laborieux je mets dans ce fil cet extrait du cahier :
<< J'ai définitivement choisi mon équipe. Désormais ce seront toujours les mêmes hommes qui m'accompagneront. J'ai pris 9 matelots de façon à pouvoir remplacer un manquant, au pied levé.
.../...
Je les présente :
Le maître de manoeuvre Richard. Paimpolais ne venant que rarement en mission mais était chargé du matériel et se tenait toujours prêt à remplacer un manquant.
Davy Jean, surnommé "face de crabe" originaire de Saint-Benoit des Ondes près de Dinan. Dévoué à toute épreuve, courageux comme un lion. Je le considérais comme mon second ; partout, dans chaque expédition il m'accompagna. Je reparlerai souvent de lui, au cours de ces cahiers.
Joly -dit le Rouge- à cause de la couleur de ses cheveux. Vrai descendant des corsaires dunkerquois.
Pasquier -dit le Boeuf- surnom lui venant de la profession qu'il exerçait avant la guerre. Angevin. Pas marin pour un sou mais très bon mitrailleur ; de plus très courageux et très amusant ; ayant toujours un mot pour rire même dans les positions les plus critiques.
Mustière -dit la Ralingue- à cause de l'emploi de voilier qu'il occupait à Rouad. Breton. Très bon marin, grommelant toujours.
J'avais en surplus mes marins libanais, engagés volontaires pour la durée de la guerre. Courageux, ayant la haine farouche des Turcs. Un ou deux d'entre eux m'accompagnaient toujours en mission me servant d'interprète et quelquefois de pilote. Marins pêcheurs, ils connaissaient parfaitement certains parages de la côte.
Simon Raki
Sejean - Miled - Mansour
>>
En leur mémoire.
Sesouvenir
[email protected]
Comme il s'agit de marins n'appartenant pas au Laborieux je mets dans ce fil cet extrait du cahier :
<< J'ai définitivement choisi mon équipe. Désormais ce seront toujours les mêmes hommes qui m'accompagneront. J'ai pris 9 matelots de façon à pouvoir remplacer un manquant, au pied levé.
.../...
Je les présente :
Le maître de manoeuvre Richard. Paimpolais ne venant que rarement en mission mais était chargé du matériel et se tenait toujours prêt à remplacer un manquant.
Davy Jean, surnommé "face de crabe" originaire de Saint-Benoit des Ondes près de Dinan. Dévoué à toute épreuve, courageux comme un lion. Je le considérais comme mon second ; partout, dans chaque expédition il m'accompagna. Je reparlerai souvent de lui, au cours de ces cahiers.
Joly -dit le Rouge- à cause de la couleur de ses cheveux. Vrai descendant des corsaires dunkerquois.
Pasquier -dit le Boeuf- surnom lui venant de la profession qu'il exerçait avant la guerre. Angevin. Pas marin pour un sou mais très bon mitrailleur ; de plus très courageux et très amusant ; ayant toujours un mot pour rire même dans les positions les plus critiques.
Mustière -dit la Ralingue- à cause de l'emploi de voilier qu'il occupait à Rouad. Breton. Très bon marin, grommelant toujours.
J'avais en surplus mes marins libanais, engagés volontaires pour la durée de la guerre. Courageux, ayant la haine farouche des Turcs. Un ou deux d'entre eux m'accompagnaient toujours en mission me servant d'interprète et quelquefois de pilote. Marins pêcheurs, ils connaissaient parfaitement certains parages de la côte.
Simon Raki
Sejean - Miled - Mansour
>>
En leur mémoire.
Sesouvenir
[email protected]
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
- IM Louis Jean
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- Inscription : dim. mars 22, 2009 1:00 am
Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
10 avril 1918
Le Capitaine de corvette Paul Masse, remplaçant du Cdt Trabaud vient d'arriver à Rouad.
Je suis content du départ du Cdt Trabaud.
Sans être à couteaux tirés, nous n'étions pas toujours des mieux ensemble.
L'officier en second Brun, vient, lui aussi d'être évacué, miné par le paludisme. L'enseigne Legouée, remplaçant Brun vient lui aussi d'arriver.
.../...
Le Capitaine de corvette Paul Masse, remplaçant du Cdt Trabaud vient d'arriver à Rouad.
Je suis content du départ du Cdt Trabaud.
Sans être à couteaux tirés, nous n'étions pas toujours des mieux ensemble.
L'officier en second Brun, vient, lui aussi d'être évacué, miné par le paludisme. L'enseigne Legouée, remplaçant Brun vient lui aussi d'arriver.
.../...
- IM Louis Jean
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- Inscription : dim. mars 22, 2009 1:00 am
Re: Douze mois au Service des Renseignements en Syrie
Ayant trouvé une confirmation du récit par le biais du texte de la citation je retranscris cet épisode du cahier
<<Commandant une patrouille et surpris par une patrouille ennemie supérieure en nombre, a réussi à l'anéantir toute entière, sans aucune perte de notre côté, grâce à son habileté, son sang-froid et sa bravoure.>>
Trouvé sur http://www.netmarine.net/tradi/marins14-18/M-P.htm
<< 10 juin 1918
En mission, avant-hier, 8 juin, j'ai été surpris par une patrouille ennemie ; nous avons complètement anéanti les Turcs.
Je devais, cette nuit-là, reprendre à terre un agent déposé le mois précédent. Le point de rendez-vous était l'embouchure du Nar-Ibrahim quelques miles au nord de Bouard.
Le début de la mission s'opéra comme de coutume ; mais, cette fois, plus méfiant, avant de nous éloigner du Laborieux, je m'étais assuré moi-même que tout était bien à son poste ; que mousquetons et révolvers étaient chargés et que la mitrailleuse fonctionnait bien.
Il faisait beau temps, le youyou glissait sans bruit sur la mer calme.
Nous avions quitté le Laborieux depuis 25 minutes et nous nous trouvions à environ 200 mètres de terre, quand tout à coup, Sejean qui veillait devant, murmura : "une embarcation à tribord".
Il ne s'était pas trompé , mais notre youyou ayant de la vitesse, l'embarcation était déjà presque par le travers quand je l'aperçus.
Une salve d'une dizaine de coups de fusil ne me laissa aucun doute sur les intentions de ceux qui montaient l'embarcation.
Je mis aussitôt la barre à droite pour faire tête à l'ennemi et commanda : "Pasquier, Sejean, parés à la mitrailleuse - nage Milad - scie Davy." - Mon youyou s'évita et ma mitrailleuse se trouva en bonne position pour tirer.
Une seconde salve de coups de fusil crépita ; quelques morceaux de bois de notre youyou voltigèrent.
Je sentis un coup violent à la jambe droite ; entraîné par l'action je ne m'en inquiétais pas.
Pendant ces manoeuvres les deux embarcations s'étaient rapprochées ; je distinguais maintenant la forme de la vedette ennemie.
Je me mis debout pour mieux diriger la manoeuvre ; la barre entre les jambes , les jumelles aux yeux , le revolver à la main.- "Envoie dedans!! Le Bouif." Aussitôt tac-tac-tac.
"Bien! Une deuxième bande."
Rien ne bouge plus dans la vedette ennemie.
"Encore une bande"
Les embarcations sont maintenant à quelques mètres l'une de l'autre. Deux de nos ennemis se jettent à la mer ; une seule tête reparut ; quelques coups de mousquetons font comprendre au nageur qu'il n'a pas à essayer de gagner la terre. L'homme accoste le long du youyou, est hissé à bord, fouillé et, quelques bonnes bourrades et paroles énergiques de Simon lui démontrent qu'il n'a plus qu'à se tenir tranquille.
J'attendis quelques minutes, redoutant une surprise ; puis ne voyant toujours rien bouger dans l'embarcation ennemie et entendant des râles et gémissements, je manoeuvrais pour accoster la vedette.
Les Libanais rancuniers voulaient laisser "crever" les Turcs dans leur canot. Plus humain, j'accostai avec précaution.
Il faisait nuit noire! noire! Je reconnus cependant l'embarcation pour être une jolie vedette à moteur, d'une dizaine de mètres de long. Rien ne bouge toujours à bord.
Je pris la vedette à la remorque du youyou et : "nage au large".
Davy et mes autres matelots attrapèrent une fameuse corvée pour remorquer cette grande barcasse avec un petit youyou.
Enfin, après avoir souqué pendant trois quarts d'heure nous aperçûmes le Laborieux.
Le premier-maître du Laborieux voyant deux silhouettes d'embarcation se diriger vers lui nous prit pour des ennemis et se disposait à nous envoyer par le fond. J'eus de grandes difficultés à me faire reconnaître.
Aussitôt accostés j'embarquais dans la vedette muni d'un fanal. Onze hommes gisaient sans mouvement dans le fond du bateau. je les fis hisser à bord. Tous étaient morts!! percés de plusieurs balles!!
La mitrailleuse est une belle arme et Pasquier tire bien.
Je fis aligner les onze cadavres sur le pont l'un d'eux portait les galons d'enseigne de vaisseau turc, les autres étaient des matelots.
Le seul prisonnier que nous avions fut mis en lieu sûr. Quelque peu cuisiné par Simon il raconta que : nous avions été vendus par l'agent que nous venions reprendre, qu'il avait indiqué le jour, l'heure et l'endroit où nous devions venir...
Le commandant de la base turque de Beyrouth avait envoyé cette vedette sous les ordres d'un enseigne pour nous surprendre et nous ramener morts ou vifs!
Les Turcs sont braves, mais pas très malins. Si cet enseigne nous avait laissé accoster à terre et nous eût pris ensuite par derrière, nous trouvant entre la terre et la vedette je n'en serais probablement pas sorti.
Le Laborieux prit la vedette à la remorque. Criblée de balles, elle faisait eau ; nous l'étanchâmes tant bien que mal en enfonçant des cartouches dans les trous de balle. J'y laissai deux hommes pour gouverner et vider l'eau et je fis route sur Rouad. Par TSF je prévins le commandant de notre attaque et du résultat ; ainsi que de l'heure de notre arrivée.
Maintenant que l'action est passée je sens que ma jambe me fait mal et me semble lourde ; je regarde ; j'ai une balle dans le devant de la jambe - probablement un ricochet car la blessure ne traverse pas et parait légère. Je confie la route au premier-maître, lui recommandant de veiller à la vedette et vais m'allonger sur un des canapés du carré. après cette nuit agitée je ne tardai pas à m'endormir. 7h du matin - un timonier vint me réveiller, me prévenant que Rouad est en vue, que la vedette est dehors et se dirige sur nous.
Nous stoppons ; la vedette accoste. Le Commandant et le père de Martimprey montent à bord.
"Eh bien, Phérivong! Que vous est-il arrivé, Je n'ai pas pu déchiffrer entièrement votre télégramme" "Commandant, en allant à terre, j'ai été attaqué par une vedette turque montée par treize hommes."
"Que sont devenus les Turcs, Je vois bien la vedette à la remorque, mais les hommes?"
"Les voilà!!!" Et je montrai au Commandant les onze corps alignés sur le pont.
Le Commandant qui m'aime bien m'embrassa :
"Tu es un brave petit."" me dit-il et se tournant vers le père de Martimprey
"Cinq contre treize, dans un petit youyou contre une grande vedette! C'est admirable."
"j'en ai aussi un de vivant." Je fis venir le prisonnier et le présentai au Commandant.
"Bon cela, pour les renseignements ; Père, voilà de la besogne pour vous."
Le Commandant, comme Gouverneur de l'île de Rouad, décida d'immerger les corps à cause des habitants de l'île. Je fis amarrer un barreau de grille aux pieds de chacun des morts . Le pavillon en berne. L'équipage réuni, le bonnet à la main, une garde de quatre hommes rendant les honneurs et :
"Envoyez"
L'enseigne, le premier disparut dans la mer qui fut notre champ de bataille.
Les dix matelots le suivirent - - Puis nous rentrâmes à Rouad.
<<Commandant une patrouille et surpris par une patrouille ennemie supérieure en nombre, a réussi à l'anéantir toute entière, sans aucune perte de notre côté, grâce à son habileté, son sang-froid et sa bravoure.>>
Trouvé sur http://www.netmarine.net/tradi/marins14-18/M-P.htm
<< 10 juin 1918
En mission, avant-hier, 8 juin, j'ai été surpris par une patrouille ennemie ; nous avons complètement anéanti les Turcs.
Je devais, cette nuit-là, reprendre à terre un agent déposé le mois précédent. Le point de rendez-vous était l'embouchure du Nar-Ibrahim quelques miles au nord de Bouard.
Le début de la mission s'opéra comme de coutume ; mais, cette fois, plus méfiant, avant de nous éloigner du Laborieux, je m'étais assuré moi-même que tout était bien à son poste ; que mousquetons et révolvers étaient chargés et que la mitrailleuse fonctionnait bien.
Il faisait beau temps, le youyou glissait sans bruit sur la mer calme.
Nous avions quitté le Laborieux depuis 25 minutes et nous nous trouvions à environ 200 mètres de terre, quand tout à coup, Sejean qui veillait devant, murmura : "une embarcation à tribord".
Il ne s'était pas trompé , mais notre youyou ayant de la vitesse, l'embarcation était déjà presque par le travers quand je l'aperçus.
Une salve d'une dizaine de coups de fusil ne me laissa aucun doute sur les intentions de ceux qui montaient l'embarcation.
Je mis aussitôt la barre à droite pour faire tête à l'ennemi et commanda : "Pasquier, Sejean, parés à la mitrailleuse - nage Milad - scie Davy." - Mon youyou s'évita et ma mitrailleuse se trouva en bonne position pour tirer.
Une seconde salve de coups de fusil crépita ; quelques morceaux de bois de notre youyou voltigèrent.
Je sentis un coup violent à la jambe droite ; entraîné par l'action je ne m'en inquiétais pas.
Pendant ces manoeuvres les deux embarcations s'étaient rapprochées ; je distinguais maintenant la forme de la vedette ennemie.
Je me mis debout pour mieux diriger la manoeuvre ; la barre entre les jambes , les jumelles aux yeux , le revolver à la main.- "Envoie dedans!! Le Bouif." Aussitôt tac-tac-tac.
"Bien! Une deuxième bande."
Rien ne bouge plus dans la vedette ennemie.
"Encore une bande"
Les embarcations sont maintenant à quelques mètres l'une de l'autre. Deux de nos ennemis se jettent à la mer ; une seule tête reparut ; quelques coups de mousquetons font comprendre au nageur qu'il n'a pas à essayer de gagner la terre. L'homme accoste le long du youyou, est hissé à bord, fouillé et, quelques bonnes bourrades et paroles énergiques de Simon lui démontrent qu'il n'a plus qu'à se tenir tranquille.
J'attendis quelques minutes, redoutant une surprise ; puis ne voyant toujours rien bouger dans l'embarcation ennemie et entendant des râles et gémissements, je manoeuvrais pour accoster la vedette.
Les Libanais rancuniers voulaient laisser "crever" les Turcs dans leur canot. Plus humain, j'accostai avec précaution.
Il faisait nuit noire! noire! Je reconnus cependant l'embarcation pour être une jolie vedette à moteur, d'une dizaine de mètres de long. Rien ne bouge toujours à bord.
Je pris la vedette à la remorque du youyou et : "nage au large".
Davy et mes autres matelots attrapèrent une fameuse corvée pour remorquer cette grande barcasse avec un petit youyou.
Enfin, après avoir souqué pendant trois quarts d'heure nous aperçûmes le Laborieux.
Le premier-maître du Laborieux voyant deux silhouettes d'embarcation se diriger vers lui nous prit pour des ennemis et se disposait à nous envoyer par le fond. J'eus de grandes difficultés à me faire reconnaître.
Aussitôt accostés j'embarquais dans la vedette muni d'un fanal. Onze hommes gisaient sans mouvement dans le fond du bateau. je les fis hisser à bord. Tous étaient morts!! percés de plusieurs balles!!
La mitrailleuse est une belle arme et Pasquier tire bien.
Je fis aligner les onze cadavres sur le pont l'un d'eux portait les galons d'enseigne de vaisseau turc, les autres étaient des matelots.
Le seul prisonnier que nous avions fut mis en lieu sûr. Quelque peu cuisiné par Simon il raconta que : nous avions été vendus par l'agent que nous venions reprendre, qu'il avait indiqué le jour, l'heure et l'endroit où nous devions venir...
Le commandant de la base turque de Beyrouth avait envoyé cette vedette sous les ordres d'un enseigne pour nous surprendre et nous ramener morts ou vifs!
Les Turcs sont braves, mais pas très malins. Si cet enseigne nous avait laissé accoster à terre et nous eût pris ensuite par derrière, nous trouvant entre la terre et la vedette je n'en serais probablement pas sorti.
Le Laborieux prit la vedette à la remorque. Criblée de balles, elle faisait eau ; nous l'étanchâmes tant bien que mal en enfonçant des cartouches dans les trous de balle. J'y laissai deux hommes pour gouverner et vider l'eau et je fis route sur Rouad. Par TSF je prévins le commandant de notre attaque et du résultat ; ainsi que de l'heure de notre arrivée.
Maintenant que l'action est passée je sens que ma jambe me fait mal et me semble lourde ; je regarde ; j'ai une balle dans le devant de la jambe - probablement un ricochet car la blessure ne traverse pas et parait légère. Je confie la route au premier-maître, lui recommandant de veiller à la vedette et vais m'allonger sur un des canapés du carré. après cette nuit agitée je ne tardai pas à m'endormir. 7h du matin - un timonier vint me réveiller, me prévenant que Rouad est en vue, que la vedette est dehors et se dirige sur nous.
Nous stoppons ; la vedette accoste. Le Commandant et le père de Martimprey montent à bord.
"Eh bien, Phérivong! Que vous est-il arrivé, Je n'ai pas pu déchiffrer entièrement votre télégramme" "Commandant, en allant à terre, j'ai été attaqué par une vedette turque montée par treize hommes."
"Que sont devenus les Turcs, Je vois bien la vedette à la remorque, mais les hommes?"
"Les voilà!!!" Et je montrai au Commandant les onze corps alignés sur le pont.
Le Commandant qui m'aime bien m'embrassa :
"Tu es un brave petit."" me dit-il et se tournant vers le père de Martimprey
"Cinq contre treize, dans un petit youyou contre une grande vedette! C'est admirable."
"j'en ai aussi un de vivant." Je fis venir le prisonnier et le présentai au Commandant.
"Bon cela, pour les renseignements ; Père, voilà de la besogne pour vous."
Le Commandant, comme Gouverneur de l'île de Rouad, décida d'immerger les corps à cause des habitants de l'île. Je fis amarrer un barreau de grille aux pieds de chacun des morts . Le pavillon en berne. L'équipage réuni, le bonnet à la main, une garde de quatre hommes rendant les honneurs et :
"Envoyez"
L'enseigne, le premier disparut dans la mer qui fut notre champ de bataille.
Les dix matelots le suivirent - - Puis nous rentrâmes à Rouad.
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau