Bonjour à tous,
LES BALEARES
Note du 20 Février 1917 adressée par le commissaire spécial de Bordeaux au Général commandant la 18e région
Le navire français LES BALEARES est arrivé le 19 d’Alger avec un chargement de 1648 tonneaux de vin dont 983 pour l’armée, et 200 tonnes de marchandises diverses.
Le 17 Février à 10h00, alors qu’il se trouvait à environ 75 milles dans l’ouest de La Coubre, le capitaine a soudain vu émerger à 30 m de son bateau le périscope et le kiosque d’un sous-marin qui, de cette faible distance, lui a lancé une torpille. A la vue du pirate, le capitaine avait aussitôt commencé à changer de route et cet heureux virement immédiat sur tribord lui a permis d’éviter la torpille.
Le même jour, à 14h00, il a aperçu une forme suspecte, portant foc et brigantine. Mais ce n’était qu’un déguisement. C’est un grand sous-marin, de plus de 80 m qui a émergé soudainement, a largué ses voiles et a ouvert le feu sur lui avec deux canons, un sur l’avant et un sur l’arrière du kiosque.
Il a tiré environ 30 coups et LES BALEARES a riposté par une vingtaine de coups de son canon qui sont tombés près du sous-marin, mais sans le toucher. La chasse et le combat ont duré jusqu’à 17h45.
Le capitaine de LES BALEARES est convaincu, comme tous ses collègues, qu’il faut armer les bâtiments de commerce avec deux canons, un sur l’avant et un sur l’arrière.
Signé : TEULY
Rapport de l’officier enquêteur
LES BALEARES. Traversée Alger – Bordeaux.
Capitaine DUPAS + 4 officiers
20 hommes d’équipage dont 18 Français, 1 Espagnol et 1 Malien
1 Canon de 95 mm sur l’arrière
Matin
Le sous-marin n’a pas insisté car il a vu que LES BALEARES était armé et prêt à riposter. Il a très bien vu cela car il est passé à raser le vapeur, exactement entre l’arrière et la ligne de loch qui était à la traîne.
Après midi
Le duel d’artillerie montre que le tir de LES BALEARES était bien réglé. Le sous-marin était obligé de manœuvrer, de s’éloigner, puis de se rapprocher. Les canons de sous-marin avaient sans doute une portée moindre que celle du vapeur car presque tous les coups ont été trop courts de presque 300 m, sauf 3 qui sont tombés à 150 m. Neuf coups ont été trop longs, mais ces 9 obus devaient être d’un autre calibre que les autres car ils entraient dans l’eau sans éclater et sans provoquer de gerbe. Les autres provoquaient un craquement, une forte gerbe et de la fumée. Le sous-marin gagnait peu à peu et cherchait à couper la route du vapeur. Mais il n’a pas réussi car le capitaine Dupas venait à chaque fois lentement sur bâbord et le maintenait sous son feu.
Il a fait preuve de sang froid et de qualité manœuvrière. Ce brave a sauvé son navire et mériterait d’être cité à l’Ordre de l’Armée.
Le quartier maître canonnier Moigno mérite une mention pour la précision de son tir.
A noter que les ordres sont que la pièce ne soit pas chargée à l’avance. On perd donc un temps précieux quand surgit un sous-marin. Le matin, LES BALEARES aurait pu tirer dès 10h00, à l’apparition du sous-marin, et l’atteindre si le canon avait été chargé.
D’autre part, l’approvisionnement à 150 obus est insuffisant.
Description du sous- marin
Grand sous-marin de 80 à 100 m de longueur
Périscope haut de 2,5 à 3 m et antenne TSF allant du périscope à un mât.
2 canons paraissant à poste fixe.
Voici sa silhouette
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié.
Mais en ce qui concerne l’attaque de l’après midi, la description qui en est faite et la silhouette dessinée font penser à un sous-marin de type U. Or l’un d’eux était alors sur cette zone, l’U 50 du KL Gerhard BERGER. Le lendemain 18 Février, il coulera le petit voilier JEAN PIERRE à 95 milles dans l’ouest de La Coubre.
Le matin, il ne me paraît pas certain qu’il s’agisse du même sous-marin. L’équipage de LES BALEARES ne le mentionne d’ailleurs pas dans sa déposition. De plus, on voit mal pourquoi ayant lancé une attaque à la torpille à 10h00, il aurait attendu 14h00 pour reprendre le combat (sauf pose-déjeuner entre midi et deux … ?) Il s’agit donc probablement de deux rencontres successives avec deux sous-marins différents.
Il semble bien qu’un 2e sous-marin se soit trouvé sur cette zone ce jour-là, l’UC 21 de l’OL Rheinhold SALTZWEDEL.
uboat.net nous indique qu’il a coulé dans la journée le vapeur norvégien CABO à 20 milles au SW d’Ar Men. Mais cette position laisse sceptique car elle ne colle pas avec la carte et la position donnée en latitude et longitude soit 45°00 N et 05°09 W (sans précision de Greenwich ou Paris). En réalité, UC 21 était très loin d’Ar Men, en plein golfe de Gascogne et à environ 200 milles dans l’ouest de La Coubre (si la latitude est Greenwich et environ 100 milles si c’est Paris). C’est aussi en plein sur la route de LES BALEARES.
Dans tous les cas, il est donc possible que LES BALEARES ai croisé :
- UC 21 le matin à 100 ou 120 milles de La Coubre
- U 50 l’après midi à 75 milles de La Coubre.
Il faudrait que des spécialistes vérifient cela avec les KTB de ces deux sous-marins

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Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
DUPAS François Capitaine au Long Cours inscrit à Pauillac n°70
« Son navire étant attaqué à la torpille puis au canon par un sous-marin, est parvenu par son sang froid, son énergie et ses qualités manœuvrières à se faire abandonner de l’ennemi auquel il a du livrer un véritable combat. »
Citation à l’Ordre de la Brigade
MOIGNO Julien Louis Quartier maître canonnier n° 99298 2e dépôt
« Lors de l’attaque de son navire par un sous-marin, a fait preuve comme chef de pièce de sang froid et d’habileté professionnelle. »
Cdlt