ALCYON Goélette de Paimpol

olivier 12
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Re: ALCYON Goélette de Paimpol

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

ALCYON

Goélette construite au chantier Bonne de Kerity en 1904.
Armateur Yves Pouhaër de Paimpol
Immatriculé à Paimpol
164 tx JN 186 tx JB

Liste d'équipage

OLLIVIER François Capitaine Paimpol
NICOLAS Pierre 2e capitaine Paimpol
TELPAIT André Matelot Paimpol
LE CAER Jean Matelot Paimpol
GUEGAN Louis Novice Paimpol
POUPIANERE Eugène Novice Paimpol (nom incertain, difficilement lisible)
DERRIEN Jean-Marie Mousse Paimpol

La perte d'ALCYON. Rapport du capitaine

29 Août 1916

Quitté La Rochelle à 05h00 pour Cardiff avec 120 t de poteaux de mines. Le même jour à 18h00 assailli par un coup de vent d'ouest qui m'oblige à m'abriter dans l'Est de l'île d'Yeu.

30 Août

Repris la route au NW en louvoyant le long de la côte par temps calme.

3 Septembre

A midi, arrivé à 6 milles dans l'ouest du phare des Poulains. Rencontré une ceinture de sauvetage et des débris de superstructure de navire. D'après le patron d'un bateau à moteur de Groix, c'est un 4-mâts qui a coulé dans les parages et les autorités ont été prévenues par le sémaphore de Belle Ile.

4 Septembre

A 10h00, rencontré un croiseur type GLOIRE, tous feux éteints, dans le SW de Penmarch. Louvoyé toute la journée en baie d'Audierne. A 20h00, arrivé à 6 milles dans le sud vrai d'Ar Men. Faible brise de nord et mer houleuse. A 22h00, calme jusqu'au lendemain.

7 Septembre

A 06h00, aperçu un sous-marin à 6 milles sur l'arrière se rapprochant rapidement. Le sous-marin nous rejoint et fait signe de mettre le canot à la mer. La mise à l'eau prend 8 à 10 minutes et le commandant s'impatiente, il nous crie en anglais de nous dépêcher. Puis il nous fait signe de venir l'accoster. Il nous fait monter à bord et 4 de ses hommes prennent notre canot pour aller sur ALCYON. Ils prennent 100 kg de pommes de terre, 30 kg de haricots, 6 kg de beurre, 10 kg de tabac, 1 glène de filin, le pavillon et divers objets. Pendant ce temps, un officier me confisque les papiers : rôle, charte-partie, congé, acte de francisation.
Les Allemands reviennent avec les provisions, puis repartent avec trois seaux de pétrole. Ils arrosent le voilier de pétrole et allument des foyers dans le poste équipage, la cale et le logement arrière. Toute l'opération a duré une demi heure. Puis le commandant nous dit de reprendre notre canot et nous souhaite bon voyage. Il dit en très bon français "C'est la guerre"!

Le sous-marin se dirige alors vers une autre goélette à 4 ou 5 milles dans le nord. Je crains fort qu'elle n'ait subi le même sort.

A 11h00, nous croisons le vapeur norvégien HAFURSFJORD qui fait route sur Lisbonne et nous recueille. Vu la distance et le vent contraire, après consultation de l'équipage, je préfère profiter de cette occasion de sauvetage et abandonner mon navire en flammes. Ne voulant pas se dérouter sur Brest, le commandant nous transporte jusqu'à Lisbonne. Nous n'avons eu qu'à nous louer de l'obligeance et de la grande amabilité du commandant et de son équipage.

Description du sous-marin

45 à 50 m de longueur
Kiosque central surélevé. Avant et arrière immergés
1 canon sur avant du kiosque
2 tubes lance-torpilles à l'avant
Etrave faussée.

Commandant Très jeune (22 à 23 ans) et rasé. Parle en excellent français. Vu un gradé plus âgé et 4 marins portant l'inscription UB Abteilung sur leurs bonnets.

"Caractère de l'UB 18" note l'officier enquêteur.

Voici la silhouette dessinée par le capitaine Ollivier


Image
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et sa signature au bas du rapport

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Le sous-marin attaquant

C'était l' UB 39 de l'OL Werner FÜRBRINGER

Commentaire

La 2e goélette coulée est très certainement MARGUERITE.

Le navire sauveteur HAFURSFJORD, 1668 t, ex-anglais BEECHVILLE construit en 1882 à West Hartlepool, rebaptisé en 1895, appartenait à l'armateur Borch, de Drammen (fjord d'Oslo). Il sera coulé par 60°25 N et 16°20 W, au sud de l'Islande, le 2 Juin 1917 par l' U 155 du KL Karl MEUSEL au cours d'une traversée Cadix - Haugesund.
Son capitaine, Amund Larsen HAARDE, devenu plus tard agent de police à Mandal (petit port situé près de Kristiansand) recevra du gouvernement français la médaille de sauvetage pour avoir récupéré les naufragés d'ALCYON.

Notons que la veille, 6 Septembre, Fürbringer avait coulé à peu près au même endroit le petit paquebot portugais TAGUS qui depuis des années effectuait les liaisons entre Lisbonne – Porto – Southampton et Londres.
Voici un extraordinaire cliché du TAGUS (sur la droite)

Image

Cette photo a été prise le 10 Avril 1912 dans le Solent, devant Cowes, depuis le pont du paquebot TITANIC alors qu'il quittait Southampton. L'auteur de la photo, Frank Browne, allait débarquer à Cork, échappant ainsi au désastre. Les nombreux clichés qu'il a pris entre Southampton, Cherbourg et Cork constituent un témoignage irremplaçable sur la vie à bord du grand paquebot.

Cdlt
olivier
Rutilius
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ALCYON — Trois-mâts goélette — Armement Yves Pouhaër, Paimpol (1904~1916).

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,


Commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens (Décret du 23 septembre 1914), Rapports et procès-verbaux d’enquête, Rapports VI. à IX., Imprimerie nationale, Paris, 1917, p. 9 et s. « Septième rapport. Violations par l’ennemi des con-ventions internationales dans la conduite de la guerre sur mer », « Faits non cités dans le rapport », Pièces n°ˢ 61, 62 et 62 bis. (op. cit., p. 88 et 89).


« RAPPORT de M. OLLIVIER, capitaine de la goélette Alcyon

Lisbonne, le 11 septembre 1916.


Je soussigné, Ollivier (François), capitaine de la goélette Alcyon, du port de Paimpol, jaugeant brut 164 tx. 33, net 126 tx. 11, armateur M. Yves Pouhaër, demeurant à Paimpol, déclare ce qui suit :

Le 7 septembre, à la pointe du jour, aperçu un sous-marin à quatre ou cinq milles derrière nous. Je m’estimai à ce moment à trente milles dans le N. 50° O. vrai d’Ouessant ; beau temps, jolie brise d’E.-S.-E. Le sous-marin nous a vite rejoints, nous a aussitôt donné à comprendre d’amener nos voiles et de mettre notre canot à la mer (en parlant anglais). Nous nous sommes empressés de carguer la goélette, de masquer le hunier et de mettre le canot à la mer avec tout son matériel de sauvetage nécessaire. Pendant cette opération, qui nous a demandé huit à dix minutes, le commandant du sous-marin n’a cessé de nous crier après et de nous faire signe de nous dépêcher. Je m’apprêtais à m’écarter du na-vire, croyant qu’il allait le canonner, lorsque je vis le commandant du sous-marin me faire signe de l’accoster. Je me suis exécuté ; aussitôt accosté, il nous fait monter à son bord, et quatre de ses hom-mes, prenant notre canot, vont à bord de l’Alcyon. Ils ont enlevé ce qui leur faisait plaisir, par exemple : pommes de terre, cent kilogrammes ; beurre, six kilogrammes ; haricots, trente kilogram-mes ; tabac, dix kilogrammes ; une glène de filin, le pavillon français, et plein un sac d’objets que je ne puis énumérer.
Pendant ce temps, un officier prend ma boîte à rôle, fouille mes papiers et m’enlève mes chartes-parties, connaissement, congé, et l’acte de francisation.
Deux hommes reviennent au sous-marin avec les provisions citées ci-dessus, prennent trois seaux de pétrole, puis retournent à bord de l’Alcyon y mettre le feu. Ils ont allumé un foyer dans le poste d’équipage, un autre dans la cale et un troisième dans les logements arrière, après avoir bien arrosé de pétrole. Aussitôt finie leur opération, qui a bien duré une demi-heure, il reviennent à bord, puis nous disent de reprendre notre canot et nous souhaitent bon voyage.
Ensuite le sous-marin s’est dirigé sur une autre goélette, qui se trouvait à quatre ou cinq milles sous le vent et que je crois être le Sainte-Croix, et qui, je le crains fort, aura subi le même sort, quoique nous l’ayons perdue de vue pendant qu’il était occupé avec l’Alcyon.
A dix heures, nous avons rencontré le vapeur norvégien Hafursfjord faisant route pour Lisbonne, qui nous a recueillis. Vu notre distance de terre, vent contraire pour l’atteindre, après avoir pris l’avis de l'équipage, j’ai jugé prudent de profiter de la première occasion de sauvetage et d’abandonner là mon navire en flammes. Le commandant du vapeur ne voulant se déranger de sa route pour nous envoyer à Brest, j’ai accepté d'être transporté à Lisbonne avec tout mon équipage en bonne santé. Quant à notre traitement à bord du vapeur, je n’ai qu'à me louer de l’obligeance et de la grande amabilité du commandant et de son équipage envers nous.
Tel est mon rapport, que j'affirme sincère et véridique dans tout son contenu, certifié également par les principaux de mon équipage après leur en avoir donné lecture ; je me réserve le droit de donner de plus amples détails s’il est nécessaire.

Le Capitaine,
Signé : F. OLLIVIER. »

_________________________________________________________________________________________


« DÉCLARATION reçue, le 26 septembre 1916, à Marseille, par M. REYNAUD,
administrateur de l’Inscription maritime.

NICOLAS (Pierre-Marie), inscrit à Paimpol, n° 13.258, second capitaine de la goélette
Alcyon :

Nous étions partis de la Rochelle, autant qu’il me souvient, le 29 août, à destination de Cardiff, avec une demi-cargaison de poteaux de mine. Jusqu’au 7 septembre, nous avons navigué sans encombre. Ce jour-là, nous nous trouvions, vers six heures, à trente milles environ dans le noroît d'Ouessant, quand nous aperçûmes par l’arrière un sous-marin qui venait vers nous. J’étais de quart ; je prévins immé-diatement le capitaine et les deux hommes d’équipage qui étaient en bas ; le capitaine fit préparer le canot pour une prompte mise à la mer. Quand le sous-marin fut arrivé le long de notre bord, il nous fit signe d'évacuer le navire. Le canot fut alors amené, et tout le monde y prit place. Nous dûmes ensuite accoster le sous-marin et y embarquer, pendant que notre canot était utilisé par son équipage pour aller chercher sur l’Alcyon, dans un premier voyage, la plus grande partie de nos provisions, telles que pommes de terre, beurre, tabac, etc., et pour y porter, dans un second voyage, trois seaux de pétrole, dont ils arrosèrent la cale, de l’avant à l'arrière. Ils revinrent ensuite vers nous, après avoir mis le feu à la goélette, nous remirent en possession de notre canot, et nous donnèrent l’ordre de nous éloigner. Le sous-marin, de son côté, s’éloigna, se dirigeant vers une autre goélette qui passait à trois ou quatre milles sous le vent à nous. Pendant ce temps, l’incendie se développait sur l’Alcyon ; le navire tout entier était en flammes. Nous fîmes route, dans notre canot, vers la terre, que nous ne pouvions d’ail-leurs distinguer, et qui devait se trouver à trente ou trente-cinq milles au plus dans l’Est ou le Sud-Est. Nous avions le vent debout et ne pouvions, par suite, faire beaucoup de route. Vers onze heures, nous aperçûmes un vapeur norvégien, auquel nous fîmes des signaux de détresse. Il stoppa, et nous pûmes l’accoster. Il nous reçut avec cordialité et nous transporta, continuant son voyage, à Lisbonne, où il nous déposa. Nous arrivâmes à Lisbonne dans la soirée du 10 septembre. Le navire norvégien qui nous a recueillis porte le nom de Hafursfjord. Je n’ai pu sauver aucun de mes effets, et mes camarades sont dans le même cas que moi.
Lecture faite, persiste et signe avec nous.

Après lecture des rapports du capitaine Ollivier et du second Nicolas au matelot Le Caer (Jean-Louis), inscrit à Paimpol n° 1.330, celui-ci les a reconnus véridiques sur tous les points et a déclaré qu’il n'avait rien à ajouter.

Paimpol, le 29 septembre 1916.

L’Inspecteur de la Navigation maritime,

Signé : LE BOITÉ.

Le Matelot,
Signé : CAER.
»
Dernière modification par Rutilius le dim. févr. 23, 2025 11:10 pm, modifié 2 fois.
Rutilius
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Message par Rutilius »

oOo
Dernière modification par Rutilius le lun. févr. 24, 2025 8:32 pm, modifié 4 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: ALCYON Goélette de Paimpol

Message par Memgam »

Bonjour,

Source : René Richard & Jacques Roignant, Les navires de la Bretagne provinciale coulés par faits de guerre 14-18, volume 1, Association Bretagne 1914-1918, 2000

Cordialement.

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Memgam
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markab
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Re: ALCYON Goélette de Paimpol

Message par markab »

Bonjour,

Un entrefilet sur le lancement de la goélette ALCYON (Armement Y. Pouhaër) publié par le journal "La Dépêche de Brest" le 11 décembre 1904 (Gallica) :

ALCYON La Dépêche de Brest 1904-12-11.jpg
ALCYON La Dépêche de Brest 1904-12-11.jpg (50.41 Kio) Consulté 668 fois

Le navire a l'indice (1) dans la base de données.

A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.

A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Rutilius
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ALCYON — Trois-mâts goélette — Armement Yves Pouhaër, Paimpol (1904~1916).

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

Alcyon — Trois-mâts goélette — Armement Yves Pouhaër, Paimpol (1904~1916).

Trois-mâts goélette en bois lancé le 9 décembre 1904 par le chantier Émile Bonne, de Kérity-Paimpol, pour le compte de l’armement Yves Pouhaër, établi à Paimpol (1) ; dépense présumée ou constatée : 59.206,89 fr. Attaché audit port. Signal distinctif : H.D.C.K. (2)

Arraisonné et incendié le 7 septembre 1916 par le sous-marin allemand UB-39 (Oberleutnant zur See Werner FÜRBRINGER), à 30 milles dans le N. 50° W. du phare de Créac’h (Île d’Ouessant), par 48° 50’ N. et 5° 20’ W., alors qu’il allait de La Rochelle à Cardiff (Pays-de-Galles, Royaume-Uni) avec un char-gement de poteaux de mine. Capitaine François OLLIVIER et six hommes d’équipage.

Équipage recueilli à 10 h. 00 par le cargo Hafursfjord (Capitaine Amund Larsen HAARDE), de la société d’armement Aktieselskabet D/S Borch II (A.-F. Borch & Sŏnner), établie à Drammen (Norvège), bâtiment qui allait alors à Lisbonne. Débarqué dans ledit port. Cinq marins ultérieurement rapatriés en France par le paquebot Roma, de la Compagnie française de navigation à vapeur Cyprien Fabre et Cie, de Mar-seille. (3)

Caractéristiques générales. — Jauge : 164,33 tx jb et 126,11 tx jn. Port en lourd : ... t. Dimensions : 103.5 x 24.6 x 11.9 ft [31,54 x 7,46 x 3,62 m].

_________________________________________________________________________________________

(1) La Dépêche de Brest, n° 6.087, Dimanche 11 décembre 1904, p. 2.

L.D.B. 11-XII-1904 - .jpg
L.D.B. 11-XII-1904 - .jpg (31.22 Kio) Consulté 522 fois

(2) Lloyd’s Register of Shipping, 1905~1906, Sailing vessels, Lettre A., n° 324, p. num. 60 ~ Lloyd’s Register of Shipping, 1915~1916, Sailing vessels, Lettre A., n° 196, p. num. 58.

(3) Le Temps, n° 20.172, Jeudi 28 septembre 1916, p. 2, en rubrique « Sur mer ».

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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